Leroy Merlin va publier ses tests produits !

L’arme absolue arrive : un site en ligne qui publiera les résultats des tests d’usage , des tests de performances … voire peut-être des taux de retour SAV compilés par Leroy-merlin . Concurrents et fournisseurs …tremblez car Adéo veut tout dire, à l’instar de la Fnac pour l ‘électroménager. On imagine les conséquences ! Quand un client cherchera à acheter une cabine-douche, le site lelaboleroymerlin.fr lui permettra de comparer froidement les produits avec une bascule naturelle sur leur site. Autrement dit, si le produit vendu par Castorama est mal noté dans le labo Leroy Merlin… c’est fichu pour Casto et le fournisseur ! (A moins que le produit soit un Goodhome )

Image

Des années de tests, des années de retours d’expériences, des centaines de tests d’usage réalisés par des clients dans les locaux même de Leroy-Merlin… voilà ce que la direction Qualité du groupe compte bien mettre en ligne ! « La puissance c’est la neutralité et l’intégrité » explique Gislain Ménard, directeur Qualité du groupe Adéo, convaincu que le nerf de la guerre est là. Une guerre au profit de « l’habitant ». Une guerre qui veut nourrir les produits vendus de "crédit confiance", ou les éliminer si besoin des rayons. Gislain Ménard d’appuyer : « Nous avons les informations … Pourquoi ne pas en faire profiter le plus grand nombre ? ». Et son responsable de labo, Ludovic de Freitas de renchérir : « Pour une TV, achetée 1 000 euros que vous allez garder 5 ans, là vous avez en ligne de l’aide au choix (Fnac). En revanche pour acheter un poêle à bois à granules à 1 500 euros que vous allez garder 20 ou 30 ans… rien. Or le test des poêles à granules, nous on le fait ». Adéo veut donner le ‘la’… Mais pour ça il faut jouer juste… S’exposer c’est prendre le risque d’être montré du doigt, côté compétences etc.

Image

Même pas peur ! On a rencontré à Lézennes une partie de l'équipe ( au total 35 personnes pour la plupart ingénieurs) qui rappelle celle d’Elliott Ness et de ses Incorruptibles. Les attaques, ils ont déjà subi, les pressions aussi. On comprend même qu’en interne ils ont pu agacer quelques chefs de produits.
Voici comment fonctionne cette division si influente aujourd’hui. Une division devenue une plateforme à part entière du groupe au même titre que la Plateforme Habitant (Leroy-merlin, Weldom, Aki etc), la Plateforme déco ( Zodio, Decoclico), pro (Dompro, Bricoman) etc.

Image

« La puissance c’est la neutralité et l’intégrité ». On rappelle le précepte de Gislain Ménard, alias Elliott Ness « Chez Leroy-Merlin, normalement nous n’avons pas de fournisseurs malhonnêtes ou margoulins » Il y en avait peut-être mais ils ont été éliminés par les tests des labos , tests de performance sous la coupe des fameux Ingénieurs.
Les Jonathan, Charlie, Ludovic, Thibaut, Nicolas, Olivier, Valentin etc… aiment faire joujou avec les produits des fournisseurs avec lesquels ils n’entretiennent aucune relation d’argent ou d’intérêt. Faire joujou, c’est par exemple pratiquer le rétro-engineering. En clair, nos scientifiques ouvrent le ventre du produit commercialisé pour voir ce qu’il y a dedans. Ainsi , en le faisant pour un radiateur supposé à inertie ils ont trouvé une plaque en céramique mais qui tenait plus de la plaquette de chocolat que de la lourde pièce réfractaire attendue. " Ils avaient mis un caillou dans le radiateur " s'agace Valentin, responsable des tests confort. Un rétro-engineering appris par Gislain Ménard dans ses années Carrefour où les hommes de la Qualité ouvraient les cartouches de grande marque pour y trouver quelques centilitres d’encre d‘une valeur de 66 centimes d’euros mais vendues par la marque une trentaine d’euros .

Image

Fort de sa data issue des bases ‘Carte Leroy merlin’ , le Labo propose à des panels de clients triés sur le volet de venir tester à Lézennes les produits et de les noter… en présence de l’acheteur de Leroy Merlin et du fournisseur. Quatre heures de test puis le verdict tombe, sans appel. Si le produit ne dépasse pas 3, il est recalé. Les notes en ligne du site internet servent aussi de filtre qualité. Voire même celles d’Amazon ! Le directeur qualité reconnaît d’ailleurs que les acheteurs demandent aux fournisseurs de leur montrer les notes Amazon de leurs produits. Rien de choquant selon lui : « quand on embauche certaines personnes on demande ses références… ici c’est pareil avec le produit." Sauf que les références ici, ce sont les avis recueillis sur d’autres sites. "Mais nous ne retenons que les mauvaises car on se méfie de la façon dont ils tractent l’information !" Quant aux moyennes du produit, elles sont trompeuses. « …et il faut s’en méfier aussi, explique Gislain Ménard. Ce qui importe ce sont les commentaires extrêmes. Pour nos propres avis, nous utilisons d’ailleurs le logiciel « Bazar Voice » qui détecte les mots récurrents". Un produit peut avoir la moyenne et Bazar Voice repère souvent le mot « panne ». Dans ce cas, cela montre que certes il y a eu peu de mécontents… mais ils l’ont été pour des pannes. « Ce n’est pas un bon signal », note le directeur. Pareil dans l’autre sens . Si le logiciel détecte souvent le mot « pratique », cela parlera en faveur du produit pourtant noté moyennement. En revanche, le critère rédhibitoire reste celui de la sécurité. Si ce type d’avis est détecté le produit est éliminé d’office.

Image

Les tests Leroy Merlin interviennent en amont de la mise en rayon… si le fournisseur le désire. AEG lançait un nouveau produit, jamais commercialisé nulle part, donc sans références d’avis. « On leur a proposé de le tester. Ils ont joué le jeu de bonne grâce. Leur produit a décroché une bonne note et son placement a été facilité avec d’emblée ses notes de tests réintégrés comme avis de clients en ligne. » Pas besoin d’attendre que des clients achètent, ceux qui avaient testé ont permis de nourrir la note . Un sacré booster pour les ventes car avoir un avis (forcément supérieur à 3 ) multiplie les ventes en ligne par 3,5 ! Vous avez bien lu, un produit à avis positif se vend 350 % mieux que celui qui n’en a pas.

Image

La grande joie des ingénieurs est d’observer les clients testeurs. Non avec un air amusé ou moqueur. Loin s’en faut. Ils observent les erreurs et les hésitations qui, si elles se reproduisent d’un client à l’autre, sont bien le signe que le produit a un problème. Des problèmes auxquels ils n’avaient quelquefois même pas pensé. « Une peinture par exemple que nos critères de qualité avaient validés mais les habitants eux n’arrivaient pas à ouvrir le pot ! »
Il faut vraiment songer à tout. Le plus drôle vient des testeurs pros. En effet certains produits qui visent une installation par des professionnels sont testés par un panel d’artisans. Et là changement de musique !

Image

« Les artisans ne lisent pas la notice ! Ils savent faire et se mettent immédiatement au travail. Quitte à tout redémonter après » Leroy-merlin notait beaucoup de retour sur un type de receveur de douche supposé facile à mettre en œuvre. Motif invoqué : receveur cassé ! Les ingénieurs ne comprenaient pas … ils avaient validé le produits. Lors d’un test d’usage avec des pros, ils ont tout compris : « les artisans montaient le receveur comme celui du concurrent leader du marché » Nous avons été obligés de mettre un gros sticker rouge sur le receveur « Ne se monte pas comme le receveur XXX ! » Après on a plus eu de retours » On apprend d’ailleurs que bientôt l’ensemble des produits Bricoman devraient profiter de l’organisation Qualité de la plateforme.

Image

Mais tout ne se passe pas toujours bien. Quand les avis sont négatifs certains fournisseurs peuvent mal le prendre. Surtout des fournisseurs de renom. Les incompréhensions ont existé avec des marques comme Bosch ou Wolfcraft qui avaient la plupart de leurs produits qualifiés bien sûr mais avec de rares exceptions ce qui fut dur à avaler pour elles qui aussi travaillent en vue de l'usage client.
« Je comprends que les fournisseurs vivent mal ce genre de résultats mais la bonne réaction c’est de voir ensemble ce qu’on peut améliorer car ils sont avec nous face au client. Nous aussi nous avons nos produits testés en amont, des marques propres, qui ont subi des tests négatifs...» Vox populi, vox dei ! Les bonnes réactions sont légion mais d'autres fournisseurs encore remettent en cause la compétence du Labo ou la qualité des clients… « A mes yeux, c’est une réaction 19 ème siècle » soupire Gislain Ménard qui ne les citera pas .

Image

On le voit, les pressions à venir ne les effraient pas même avec le lancement du site du labo en ligne. L’équipe Qualité de rappeler sa neutralité dans cette affaire. « Nous n’avons rien à gagner à être négatif ou positif. », explique Ludovic de Freitas, responsable du laboratoire. Dans l’équipe labo composée de 35 personnes « nous n’intervenons pas dans les panels de produits en rayon etc.. » « Quand on nous sollicite dans une réunion acheteur-fournisseur, après notre intervention il arrive que le théatre de négociation s’effondre car le produit ne répond pas aux attentes qualités. », ajoute Gislain Ménard. On comprend à demi-mot que le service qualité a pu jouer dans certaines situations les trouble-fêtes tant pour les fournisseurs que pour les acheteurs habitués à leur bataille commerciales. La belle idylle qui se tisse entre un chef de produit et son fournisseur peut voir surgir les nuages de la Qualité. Mais Gislain Ménard et son équipe sont des Vulcains, comme Monsieur Spoke (Star Trek). Quelques soient les réactions ou les pressions, ils ont des réponses factuelles et objectives avec en tête la défense de l’habitant. La puissance, c’est la neutralité, l’intégrité ! En interne comme en externe. Quant à savoir si ce site sera l'arme absolue, Gislain Ménard rappelle : "nos concurrents peuvent en faire autant" . Oui, sauf que le train LM est déjà en route. On comprend aussi qu' Adéo ne peut pas laisser ce champ libre au risque de dépendre un jour d'un baromètre de pure-player...