
Aïe ! Le brico à -4,3 % en 2024, même Leroy Merlin recule... mais Adeo pèse 50 % du marché

Le marché du brico perd 1 milliard d'euros en 2024 et Leroy Merlin à lui seul quasi la moitié à savoir 476 M€ au périmètre des magasins! Pas de surprise : les chiffres officiels du marché du bricolage révélés par la FMB et Inoha annoncent un recul des GSB mais "seulement" de 4,3 % par rapport à 2024. Avec les -7 % du marché de l'habitat, et les -12 % du négoce on aurait pu craindre pire . Quant aux parts de marché des enseignes, curieusement elles progressent presque toutes et Adeo se paie le luxe de toucher du bout des doigts pour la première fois les 50 %. Même Kingfisher progresse !
Le bricolage a souffert en 2024 et a perdu 1 milliard d'euros comparé à 2023 mais c'est finalement moins que le marché global de l'Habitat (-7 %). Pour être clair : la Fédération des Magasins de bricolage et Inoha ont annoncé mardi 29 avril un recul de 4,3 % en 2024 de ventes des GSB pour un CA de 22,1 Md€. On rappelle que de son côté Inoha (Industriels de l'Habitat) qui mesure le marché global de l'habitat en France (qui va des travaux à l'équipement) l'avait estimé à 62 Md€ en recul en 2024 de plus de 7 % "avec des chutes en volume de plus de 30 %" comme l'a rappelé le président d'Inoha Jean-Luc Guéry.
Première conclusion : le marché du bricolage "traité à 75 % par des GSB", comme le précise Juliette Lauzac* , recule moins sévèrement qu'attendu. Et Juliette Lauzac de rappeler que sur une base 100 posée en 2019 le marché aujourd'hui est à 113 malgré deux années en recul : 2023 (-1,4%) et 2024 (-4,3%). De mémoire de marché, il y avait quand même très longtemps qu'une telle chute ne s'était pas produite. D'ailleurs on ne s'en souvient même plus !
A ce stade une précision qui va avoir son importance: les 22,1 Md€ du marché 2024 devraient être en réalité 22,8 Md€ car deux enseignes ne sont plus comptabilisées : Brico Pro et Brico Leclerc soit environ 700 M€. Elles n'ont en effet pas répondu en temps et en heure à la nouvelle certification des chiffres demandées par la FMB. Si cela n'affecte pas la tendance du marché qui est bien de -4,3 % cela redistribue en réalité un peu plus de part de marché à tout le monde.
Côté CA magasin, Leroy Merlin recule plus que le marché ...
Côté enseignes justement , à surface courante Leroy Merlin chute quand même de 5 % , plus que le marché, , et sur le milliard perdu en 2024 par le marché du brico , 476 M€ sont dus au seul Leroy. Quand le leader éternue c'est tout le marché qui s'enrhume ! Ces chiffres ne tiennent pas compte du volume d'affaires des marketplaces et notamment de celle de Leroy Merlin sans quoi le recul de Leroy Merlin serait plutôt de 3,2 et superformerait le marché- On le précise car c'est rarissime que Leroy Merlin fasse moins bien que le marché mais c'est aussi un effet de l'abandon relatif par les clients des gros projets. Il n'y a qu'à voir les reculs de Castorama et Brico Dépôt... Weldom plus dépanneur de proximité est positif à surface courante de façon spectaculaire mais toujours à surface courante et donc avec des acquisitions de CA. Idem pour ITM Equipement de la maison qui s'est musclé avec la reprise de Tridôme "soufflé " au Groupe Mr Bricolage tandis que son enseigne phare Bricomarché baisse résiste mieux que les grandes enseignes dites à Projet. C'est l'autre enseignement de ces chiffres : les big box ( grandes surfaces de bricolage) ont payé le prix de la désaffection pour les grands projets, ou tout simplement le prix de la baisse des transactions immobilères qui entrainent fatalement moins de nouvelles salles de bains ou cuisine. Les enseignes de proximité et de dépannage résistent globalement mieux

Le tableau ci-contre est notre reconstitution des évolutions de CA des enseignes en se basant sur les chiffres FMB/Inoha de 2023 et 2024. Vous noterez que le CA de Tridôme est désormais affecté à la ligne Bricorama/Batkor ce qui explique un bond de CA de près de 15 % !
A noter que pour calculer la baisse du marché global de 4,3 % , FMB /Inoha a retiré rétroactivement le CA de Brico Leclerc et Bricopro 2023 pour estimer un marché 2023 à 23,1 M€ et rester comparable.
Parts de marché : comptes d'apothicaires
En termes de part de marché, la FMB annonce le chiffre fatidique (ça dépend pour qui) de 50 % pour le groupe Adeo. Incroyable quand même : 1 euro sur deux en France est le fait de Weldom, Bricoman ou Leroy Merlin. Selon nos petits comptes d'apothicaires le groupe pèserait 49,77 % mais disons que ça revient au même et montre à quel point le groupe domine le marché. Evidemment l'absence de Brico Leclerc et Brico Pro permet à Adeo mécaniquement de glaner quelques pourcentages pour s'approcher des 50 %. De son côté ITM Equipement de la Maison se refait une belle santé en tutoyant les 15 % grâce en partie à Tridôme. Enfin Kingfisher progresse aussi en parts de marché pour atteindre les 25,06 % mais là encore l'absence de Brico Leclerc et Brico Pro n'y est pas étrangère.

Quid des ventes en ligne ?
La mesure effectuée par FMB/Inoha est incomplète puisque elle se concentre sur les ventes en ligne des GSB sans tenir compte des marketplaces. Ces ventes en lignes progressent en termes de part de marché puisqu'elles baissent de 1,4 % en 2024 tandis que les seuls magasins reculent de 4,5 %... la moyenne des deux donnant 4,3 % . Ainsi aujourd'hui 5,6 % des ventes des GSB sont comptabilisées en ligne. Bien sûr cette part évolue selon les produits .
Poids et évolution des rayons
Voici le poids de chaque rayon dans une GSB en moyenne : on note le poids considérable de la plomberie sanitaire cuisine mais qui est surtout le fait des Big Box et c'est d'ailleurs l'un des marchés "projets" qui a le plus souffert en 2024

Analyse in extenso rayon par rayon proposée par Juliette Lauzac (FMB/INOHA)
L'étude est à télécharger ci-dessous
Le rayon Outillage qui a connu un pic de ventes important en 2021 affiche une baisse de 2%. Les familles Outillage à main et Outillage électroportatif (qui représentent à elles deux 61% du CA) sont en baisse (respectivement -5% et -6%). Les machines et gros outillage évoluent de façon disparate depuis quelques années. Elles repartent à la hausse (+10%) après une baisse de 7,3% en 2023. Cette catégorie est portée par des ventes de nettoyeurs haute pression en forte hausse (+29%).
Le rayon Plomberie-SDB-cuisine baisse sensiblement en 2024 (-5,1%), mais reste le 3ème rayon qui a le plus progressé depuis 2019 (+16%). Sur ce rayon, la famille plomberie, très technique, se maintient beaucoup, tandis que les familles SDB et cuisine qui se déclinent en mode projet sont bien plus impactées.
Le rayon Chauffage recule globalement pour la 2ème année consécutive (-6,2%). Sensibilisés aux problématiques environnementales et économiques, les Français, ont largement investi dans des appareils moins énergivores. Seule la famille climatisation et ventilation progresse légèrement (+2%). Le chauffage électrique perd 7%, mais les radiateurs électriques mobiles affichent une hausse de +10%. De même, les chauffages d’appoint progressent de 15%. Si les combustibles reculent de 10%, la valeur du marché est cependant supérieure de 40% à son niveau de 2019.
Le rayon Electricité (en baisse de -4,2%) subit les baisses des ventes de gaines et câbles (-5%), interrupteurs et prises (-4%) et distribution Electrique (-6%). La Domotique se maintient davantage notamment grâce aux Motorisations qui sont à l’équilibre (2%). Le marché du photovoltaïque est en croissance de 35% en 2024. Dans un contexte d’augmentation des prix de l’énergie, les GSB sont en 1ère ligne et gages de confiance pour offrir au grand public de nouvelles solutions techniques d’autonomie énergétique.
Le rayon Bois et Menuiserie en baisse de 7,2% est en partie la conséquence de la baisse des transactions dans l’ancien. En effet, le changement des huisseries (par exemple pour remplacer du simple vitrage par du double vitrage) est un des chantiers rapidement mis en place dans le cadre d’une rénovation globale de bâti ancien. Les produits à usiner (familles Panneaux et planches, -3 % et Tasseaux et moulures, -1%) se maintiennent le mieux car correspondent en grande partie à des petits projets. Ce sont également les familles de produits qui progressent le plus par rapport à 2019 : respectivement de +29% et +38%.
Champion de la croissance pendant la période post-COVID, le rayon Bâtiment observe un reflux de -6,4% en 2024 lié à la diminution du réservoir de projets initiés en 2020-2021. Pour autant, ce rayon a gagné 23% par rapport à son niveau de 2019. A titre d’exemple, les poudres et agrégats sont proches de l’équilibre, avec des sous-familles en progression telles que les enduits de façade (+14%).
La famille Cloison et isolation (41% du CA du rayon) perd 9% en raison de la baisse des transactions dans l’ancien, mais aussi du fait que de nombreux chantiers ont été effectués les années précédentes à la faveur de campagnes massives d’incitation à l’isolation des bâtiments énergivores.
Après des années 2022 et 2023 atones, le rayon Peinture/Droguerie/Colle se maintient le mieux en 2024 à -0,2%. Les peintures et enduits intérieurs (+9%) représentent 37% de la valeur du rayon avec près d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires. A noter que les ventes de produits de traitement des murs et toitures se développent fortement (+47%).
Le rayon Revêtements, qui comprend les sols, murs (à l’exception des papiers peints) et les colles pour revêtements, est celui qui affiche la plus forte baisse (-7,9%). Ce rayon est directement touché par la diminution des projets à réaliser, essentiellement du fait de la baisse des ventes dans l’ancien. S’il est vrai que la Faïence murale chute (-13%), l’arrivée des panneaux muraux de salle de bains vient offrir au consommateur une alternative séduisante (+1%).
Le rayon Décoration (-5,2%), en baisse depuis 2019 en GSB, subit de plein fouet la concurrence d’autres circuits de distribution (solderies, enseignes low cost, enseignes de décoration…), la diminution des surfaces d’habitation en milieu urbain liée à l’augmentation des loyers, la mode du minimalisme et la tendance à l’achat responsable. L’évolution de ce rayon est aussi fortement liée à la famille des Luminaires qui pèse 52% du CA et qui baisse de -4%.
Concernant le rayon Jardin (-4,7%) très météo-dépendant, on constate un recul des familles Aménagement (-8%), Arrosage (-15%) et Plein air (-12%) desservies par le mauvais temps estival. Le CA de la sous-famille Piscine recule ainsi de 23%. A l’inverse, l’outillage motorisé (+10%) a profité de l’importante croissance des végétaux causée par les intempéries : il a fallu tondre, tailler et débroussailler plus que de coutume, ce qui favorise les achats de matériel. Les taille-haies ont ainsi progressé de 18%, les débrousailleuses et coupe-bordures de 12% et les tondeuses électriques (dont tondeuses robots) de 16%.
La tendance sur 5 ans
Ces baisses sont à relativiser sur une période 5 ans (ci-dessous) : par exemple si le Bâtiment a reculé de 6,4 % en 2024, il reste en progression de 23 % depuis 2029. De façon générale d'ailleurs, les GSB deviennent plus techniques et plus pro tandis que leur flanc déco est attaqué par les nouvelles enseignes de type Action

Résilience et optimisme

La conférence de presse sur les Chiffres du marché du bricolage 2024 réunissait Caroline Hupin , déléguée générale FMB , Juliette Lauzac chargée d’études pour la FMB et INOHA, Jean-Luc Guéry , Président d'Inoha et Eric Flusin (Inodata)
Verbatim :
Juliette Lauzac, chargée d’études pour la FMB et INOHA. « Malgré l’attentisme des consommateurs dans un contexte économique incertain, la valorisation du foyer reste une préoccupation centrale pour les Français. Cela, aussi bien dans une optique patrimoniale, que pour se sentir bien chez soi au quotidien. En d’autres termes, prendre soin de son cadre de vie immédiat reste une vraie valeur refuge.»,
Caroline Hupin, déléguée générale de la FMB.« Malgré la contraction des résultats de notre secteur liés à un contexte politico-économique perturbé, le marché du bricolage continue de faire preuve de résilience. Au-delà des produits de qualité répondant à toutes les problématiques de l’aménagement de la maison, notre activité repose sur la formation et le travail des collaborateurs mobilisés pour prodiguer des conseils qualifiés et des services sur-mesure dans toutes les enseignes de bricolage. Notre secteur reste un acteur majeur de la rénovation de l’habitat, valeur refuge pour les Français, et joue un rôle incontournable dans la rénovation énergétique des logements. Le travail en bonne intelligence avec nos partenaires industriels, dont INOHA, est lui aussi déterminant pour continuer d’accompagner les Français dans l’amélioration de leur habitat »
Jean-Luc Guéry , Président d’INOHA.« L’année 2024 a été particulièrement difficile pour l’ensemble de la filière du bricolage en France. Malgré l’attachement fort des Français à leur domicile, comme en témoigne le fait que 88% d’entre eux déclarent « c’est l’endroit où j’aime être le mieux” (étude Sociovision 2024), notre secteur subit un net ralentissement. Les différentes composantes des prix de revient de nos produits continuent d’augmenter tandis que les volumes de vente reculent, mettant nos entreprises sous pression. Les évolutions réglementaires de plus en plus contraignantes mettent à mal l’agilité de nos adhérents. Il est plus que jamais nécessaire que les industriels retrouvent des marges suffisantes pour investir dans leurs outils de production et innover dans leurs produits. Ces leviers sont indispensables pour assurer la pérennité et le développement de notre filière. »
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