Les rois de l'aménagement extérieur ! #épisode 1 (spécial Table ronde)
Voici le premier épisode d'une table ronde organisée à Paris au printemps sur une question épineuse : qui sont les les rois de l'Amex (aménagement extérieur). Un marché qui a tenu bon en 2022 et explosé depuis 2019, un marché qui cartonne en ligne mais qui a un problème écologique. Un marché qui a besoin de pose, de services. GSB, Jardineries, commerce, paysagiste/spécialiste et fournisseur débattent ! Premier épisode : quelles sont les contours de ce marché et qui sont les champions ?
Photos: Joachim Tournebize
Le sujet est un brin provocateur: les rois de l’Amex, autrement dit les rois de l’aménagement extérieur. Pourquoi? Parce qu’en réalité, sur un marché du jardin qui, selon Promojardin, est à -6% en 2022 et qui serait passé à nouveau en dessous des 9 Md€ de CA (8,5 Md€ plus précisément), l’Amex est peut-être, sinon une bouée de sauvetage, une voie intéressante.
L’Amex, selon Promojardin, a progressé de 30% en trois ans. Incroyable! En 2022, il résiste avec une baisse de 2%, alors que le marché du jardin est à - 6%. Mais on va voir que c’est un faux ami parce qu’il se comporte différemment en volumes. En attendant, un euro sur trois du secteur jardin viendrait de l’Amex (source: Inodata). Un Amex où les clôtures ont représenté en 2021 (source : FMB/Inoha) quasiment 30%, les terrasses plus de 30%.
L’Amex des uns n’est pas celui des autres…
Il est un cousin rentable du bâti extérieur chez les négoces, qui se régalent de plus en plus d’en vendre. Laurent Barocco (Gedex) nous le confirmera. L’Amex au service du végétal, c’est celui qui intéresse Vincent Avignon (Teract), lequel ne dédaigne pas de vendre tout de même des pergolas, notamment en ligne! L’Amex est le dada de Leroy Merlin, qui en est peut-être le roi. Avec une enseigne Naterial, une autre qui voit le jour en Italie (lire page 6), Adeo au sens large aime l’Amex mais le veut vert: Amex, sed Home Index (l’aménagement extérieur, oui, mais avec le Home Index).
Ce secteur a ses spécialistes, comme Pauline Moquet qui dirige le réseau de franchise éponyme et qui vise les 500 M€ de CA à coups d’allées, de clôtures, avec de nouvelles ambitions. L’Amex enfin fait le bonheur des magasins de proximité, représentés sur cette table ronde par Sébastien Delos, d’ITM Équipement de la Maison, et Aurélien Rivière de Lamaison.fr, qui sont des enseignes mi-jardineries, mi-GSB. Les deux ont décidé d’accélérer sur le sujet! Comme arbitres, nous avons eu le plaisir de compter Jardipolys (Lucile Balandret ) , OLG (Franck Mauxion) et Nortene (Olivier Morel), Roland Motte (RMJ) et le cofondateur de Dealt, Mikael Braconnier.
Laurent Feneau & Pierre Dieuzeide
Les participants
•Vincent Avignon, directeur délégué Teract •Lucile Balandret, Jardipolys •Laurent Barocco, chef de produit Amex, Gedex •Mickael Braconnier, cofondateur Dealt •Sébastien Delos, directeur des achats, ITM Équipement de la Maison •Frédéric Jovenin, chef de produits Amex, Leroy Merlin •Franck Mauxion, OLG •Pauline Moquet, Daniel Moquet •Olivier Morel, Nortene •Roland Motte, RMJ •Aurélien Rivière, chef de produit Lamaison.fr
Zepros Habitat: Quel est votre Amex, votre stratégie? Est-ce un marché si important?
Sébastien Delos: Nos magasins sont Bricomarché principalement en province et en zone rurale, avec des clientèles propriétaires à 90 % et qui ont un jardin. L’Amex a donc été revue en 2020 avec un nouveau concept où justement il y a une théâtralisation, une mise en scène, une mise en ambiance et où l’on mixe volontiers les produits entre eux, en ajoutant du végétal – ce que nos confrères ne font peut-être pas. Les familles clôture et terrasse y constituent des marchés assez importants. Ensuite vient le marché du portail où, pour l’instant, on n’a pas suffisamment de services d’accompagnement et de savoir-faire, mais sur lequel on souhaite investir dans les années à venir.
Z. H.: Et sur l’enseigne Bricorama?
Sébastien Delos: Nous avons complètement revu l’offre avec un nouveau concept dont le premier prototype a été lancé en mai 2023 sur le magasin de Montargis. Il y a de la théâtralisation, une cour des matériaux où on implante, avec une zone pour emporter clôture, grillage, aménagement bois et dallage… avec des conseillers compétents en jardin et sur plusieurs univers en phase avec cette nouvelle logique consistant à présenter ensemble les produits qui répondent à un même usage du point du vue du client.
Z. H.: Les trois premiers marchés qui vous rapportent le plus en Amex, ce sont aussi terrasse, clôture et panneaux bois?
Sébastien Delos: Oui, ce sont les mêmes. Nous développons aussi depuis deux à trois ans une nouvelle offre sur les terrasses minérales sur la base de grands formats de dallage, marché sur lequel on communique de plus en plus et jusqu’à présent présenté à l’intérieur du point de vente en complément du carrelage. Il est maintenant présenté à part et implanté en mixant tout le sol, c’est-à-dire à la fois le bois et le minéral.
Frédéric Jovenin: Le grès cérame posé sur plot, si on avait pu en avoir le double, on en aurait vendu le double! D’autant plus que le produit s’est démocratisé parce que vous pouvez le poser vous-même… Alors qu’avant c’était dalle, béton, colle carrelage et il fallait souvent faire appel à un professionnel. Bref, c’est ce type de familles de produits qui se développe énormément.
Z. H.: Vincent Avignon, qui est le «champion» de l’Amex entre Gamm vert, Jardiland, Delbard?
Vincent Avignon: Jardiland, c’est le bien-être, donc on est dans la déco, plutôt urbanité, «rurbanité » et centre-ville… tout le marché du balcon, terrasse, bord de fenêtres et tout ce qui permet de ramener la nature chez soi. En revanche chez Gamm vert, on a un autre parti pris qui est de l’Amex, mais tourné vers l’autoproduction.
Z. H.: Est-ce que l’Amex est stratégique pour Teract?
Vincent Avignon : Oui, mais à vouloir être leader de tout, on finit par être leader de rien. L’ADN d’une jardinerie, c’est le végétal. Notre promesse, c’est d’abord agir pour que chacun accède aux bienfaits de la nature. Puisqu’on parle de l’entretien de la plante, il y a la préservation des sols, de la biodiversité et de l’eau qui sont au coeur de nos préoccupations. C’est donc de l’Amex autour de la plante. Avec comme premier enjeu la RSE. On est parti plutôt dans l’écoconception de produits, pour décarboner tout cela et finalement arriver chez le client avec des solutions propres et durables. Voilà la tendance de fond pour nous. Et ce qui déborde au-delà du seul végétal, nous le développons de plus en plus par l’omnicanalité. Les carports, par exemple, ce sont des produits plutôt prédestinés à pouvoir être installés au travers du digital – les marketplaces notamment.
Z. H.: Chez Gedimat, Gedex et Gedibois… quid de l’Amex en négoce? On dit que c’est un secteur qui progresse car il ressemble au bâtiment, mais en plus rentable…
Laurent Barocco: Effectivement, le négoce s’est intéressé au jardin. Et Gedimat a été précurseur au début des années 2000, où nous nous sommes organisés. Il y a une certaine légitimité pour le négoce à vendre des minéraux, du béton, du bois, qui sont les matériaux de l’Amex.
Z. H.: Justement, aujourd’hui, combien pèse l’Amex dans le CA de Gedimat, qui doit être d’environ 2,5 Md€?
Laurent Barocco: Petit à petit, la part du CA Amex est d’environ 7 % en 2022. En termes de poids des familles de l’Amex, je dirais que la partie minérale (pavés, dalles béton, graviers, pierre naturelle) est un peu plus importante chez nous.
Z. H.: Vous êtes aussi sur l’abri de jardin?
Laurent Barocco:Oui, de l’abri bois essentiellement, mais on est des «petits poucets».
Z. H.: Alors vous, Pauline, vous êtes une Martienne pour nous ici! On a une question qui nous taraude: comment est né le réseau Daniel Moquet? Votre père était paysagiste?
Pauline Moquet: Il était entrepreneur paysagiste dans le Nord Mayenne, franchisé de France Environnement jusqu’à ce que ce réseau s’arrête. Il était un peu extraterrestre justement puisqu’il s’était spécialisé dans les allées. C’était le plus gros poseur en France… dans un petit département! Il avait l’idée de créer une franchise. Mon installation a été sa première duplication en 2003. Pour être franchiseur, il faut avoir un site pilote qui fonctionne et l’avoir dupliqué une fois.
Z. H.: Aujourd’hui, combien y a-t-il de franchisés?
Pauline Moquet : Environ 365 entreprises sur les trois enseignes. Et nous réalisons un CA de 250 M€ sur la partie allées et 25 M€ sur les clôtures puisque c’est récent.
Z. H.: Vous avez tout à l’heure parlé d’un troisième réseau. De quoi s’agit-il?
Pauline Moquet: C’est l’entretien et la création paysagère. Ce marché s’est créé à la demande de nos clients. C’est-àdire qu’une fois qu’on a fait les allées, ils nous rappellent généralement pour savoir comment entretenir, donc là c’est du service à la personne. Même logique pour la création paysagère. Avant, on ne faisait pas les massifs, maintenant nous les réalisons.
Z. H.: Ce ne sont pas les mêmes équipes?
Pauline Moquet : Non, c’est un réseau différent.
Z. H.: Vous savez que Mickael Braconnier, ici présent, fait à peu près la même chose. On va en reparler… Mais juste avant, Aurélien Rivière, que représente l’Amex de Lamaison.fr (140 magasins, 300 M€ de CA)? 30 % du chiffre?
Aurélien Rivière: Peut-être un peu moins. Pour nous, l’aménagement extérieur, c’est vraiment tout ce qui gravite autour de la fameuse cinquième pièce de la maison. Donc on va mettre en scène le jardin avec tous ses aspects (mobilier de jardin, plein air, etc.). Et depuis quelques années, aux clôtures et terrasses, on ajoute tout ce qui est gravier décoratif, ce qui va réellement permettre de mettre en scène le jardin pour son côté déco, mais également par rapport à une problématique d’entretien des allées, l’entretien étant de plus en plus difficile – notamment avec l’absence de glyphosate. L’Amex, chez Lamaison. fr, c’est du do-it-yourself, c’est-à-dire des gens qui effectuent eux-mêmes leur aménagement.
Z. H.: Enfin, Frédéric Jovenin, l’Amex représente à peu près 30 % du CA?
Frédéric Jovenin : Un peu plus, presque 35 % du CA jardin. C’est le plus « gros gâteau ». Chez nous, vous avez la partie «profiter de…»: profiter de la piscine, de son mobilier, de son jardin, etc. Mais qui ne rentre pas dans l’Amex? Après, vous avez la partie «jardiner pur» et tout le motorisé, l’arrosage et autres. Puis, toute la partie «aménagement extérieur» qui, globalement, regroupe l’aménagement des sols et le vertical plutôt la partie clôture.
Z. H.: Quand on regarde le «camembert» des familles de l’Amex, estce que cela correspond à celui de Leroy Merlin?
Frédéric Jovenin: Oui, c’est à peu près ça. Cela doit être un peu plus fort sur le portail et peut-être un peu moins fort sur le minéral, mais ça se transfère sur la terrasse bois. Et quand on dit terrasse bois, c’est bois composite et différentes matières. Après, on ne distingue pas les panneaux bois: pour nous, c’est dans la clôture. Mais le plus gros marché, c’est la clôture.
Z. H.: Qui est leader sur ce marché selon vous?
Olivier Morel : Si je regarde mes statistiques, évidemment la GSB a un poids plus important dans nos portefeuilles Amex que les jardineries et Lisas. Nous, ça nous convient bien parce qu’en termes d’équilibre de portefeuille, on a justement des experts dans les différentes parties de notre portefeuille, ce qui nous permet de ne pas mettre tous nos oeufs dans le même panier et de pouvoir bénéficier des croissances et des dynamiques sur les différentes thématiques… sur l’Amex, mais également sur le potager et son aménagement.
Franck Mauxion: Je vais répondre la même chose qu’Olivier. Si je regarde mes statistiques, c’est la GSB.
Z. H.: À combien, selon vous, de pourcentage? Franck Mauxion : 50 % de mon CA est fait en GSB.
Lucile Balandret: Nous faisons le même constat. La GSB représente une grande partie du CA de l’Amex chez Jardipolys.
Z. H. : Selon Promojardin, la réponse, est… la GSB avec 60-65% du CA de l’Amex, sachant que sur un marché à 8,5 Md€ en 2022, cet Amex graviterait à environ 30 % de ce montant. Avec un Web qui, toujours sur l’Amex, tient 14% du marché, soit 1,8 Md€ pour les GSB. Ce chiffre ne comprend pas le négoce ni les paysagistes. Selon plusieurs avis des cabinets d’études, le négoce serait aux alentours de 400 M€.
Laurent Barocco : C’est compliqué d’évaluer le poids de l’Amex dans les négoces. Chez nous, le bardage est dans l’Amex. Autre difficulté: les négociants travaillent essentiellement avec des poseurs. Donc 60% de mon CA est effectué avec des professionnels: applicateurs, artisans, paysagistes, maçons. Donc 400 M€ d’Amex réalisés par les négoces, c’est compliqué à confirmer… même si ce chiffre me semble cohérent.
Z. H.: Si Leroy Merlin pèse 40 % du CA des GSB en France, vous pesez donc 900 M€ en Amex?
Frédéric Jovenin: Non, on ne fait pas autant sur l’Amex ! On serait plutôt à 500 M€, mais sur un périmètre différent.
Z. H.: Vous restez tout de même les rois de l’Amex! Ça vous fait rêver, Madame Moquet? Quel est l’objectif de Daniel Moquet en termes de CA?
Pauline Moquet : Nos entreprises ont vocation à aller chercher le million d’euros à peu près sur chaque secteur, donc dans les allées, on y est pratiquement, et pareil pour la clôture et le jardin. En France, on avait 250 secteurs, un peu plus même, mais là on redécoupe nos secteurs en deux, ce qui nous fait donc 500 secteurs.
Z. H.: Et du côté de Lamaison.fr?
Aurélien Rivière : C’est un secteur qui chez nous gravite un peu entre toutes les autres familles, mélangé avec un peu de mobilier, etc. Mais nous le considérons comme un marché qui vient booster aussi les autres familles traditionnelles – jardin et déco. Quand on installe une terrasse, on a besoin de percer, de visser, etc. On va donc investir dans des outils. De la même façon, si on fait un peu d’aménagement minéral, on va mettre quelques plantes… Il y a donc du CA induit.
Les rois des chiffres
Pas de rois de l’Amex sans les princes des chiffres. Nous remercions particulièrement Promojardin, qui possède sans doute les données les plus fines sur la question. On vous invite à contacter Hanan Abdesselem, secrétaire générale de l’association, pour vous provoquer l’étude complète. Merci également à Pierre-Emmanuel Bois, secrétaire général d’Inoha, pour les chiffres Inodata/Trajan, et bien sûr la FMB: Caroline Hupin, sa secrétaire générale, et Juliette Lauzac, marquise des données chiffrées du brico.