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Exclu : la nouvelle stratégie de Truffaut (franchise, outdoor, visites habitant, alliance achats)

Pierre Dieuzeide
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 Nous avions rencontré il y a plus d’un an Sébastien Attina pour sonder ses projets à la tête de Truffaut. Il nous avait annoncé le projet Vision 2030 qui a mobilisé collaborateurs et fournisseurs, déclenché 1200 visites habitant et accouché d'une stratégie dont on révèle ici en exclusivité les  grandes lignes. Un responsable franchise a été nommé, un univers outdoor/exploration est né, pas mal de références sont abandonnées, des partenaires d'achats recherchés.  Exercice de cohérence  décrypté par Sébastien Attina, patron de l'enseigne  

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 ZH : Tant de pluie au printemps… Bonjour tristesse pour une jardinerie 

Quand on est jardinier et que l’on travaille chez Truffaut on se doit de respecter la Nature. Les bilans météo parlent d’eux-mêmes. Le printemps 2024 est le 4ème le plus pluvieux depuis 60 ans. Cela n’est pas bon pour les jardiniers ni pour les plaisirs en extérieur. Rares sont les Français ayant pu profiter de 2 barbecues cette année. C’est la vie. On se console en vendant énormément d'antiparasites, anti-limaces et autres (sourire). Je pense aux équipes partout qui ont beaucoup œuvré pour préparer de beaux magasins et qui ne sont toujours pas récompensées pour l’instant. 

ZH : La saison n'est pas perdue quand même, si ? 

Ce qui n'est pas pris ne va pas beaucoup se rattraper dans les mois qui viennent. C'est la réalité d’un business saisonnier naturel comme le nôtre. Nous ne pouvons pas faire les mêmes choses en juillet qu’en mars, en termes de plantation, de récolte, de taille, de traitement, de soins. Mais à chaque saison son activité aux jardins. A nous d’être résilient et imaginatif commercialement. Croisons les doigts pour ce mois de juin et un bel été. Nous avons de superbes végétaux qui attendent d’être choisis. Et tout l’univers de la vie au jardin (BBQ, salon de jardin, AMEX…) n’a pas encore dit son dernier mot. La saison sait parfois s’étirer jusqu’en septembre. Même si nous rentrons en compétition avec les vacances. 

ZH : C’est-à-dire ? 

L'équipement du jardin est un budget saisonnier qui peut être arbitré avec celui des vacances quand celles-ci approchent. A un moment où le client se dit : “ est-ce que ça vaut encore le coup d’acheter cette année ou alors je le ferai l'année prochaine ?.” A nous de pousser les bonnes offres, d’être dynamiques et avec les bons produits attendus cette année. Le début du mois de juin est plutôt sympa et pour le consommateur, il y a des affaires à faire ! 

ZH : Votre bicentenaire tombe un peu…à l’eau 

Un anniversaire incroyable comme celui-ci ne tombe jamais à l’eau. Ni pour les équipes, ni pour les clients. Et l’année est encore longue. Cela dit dans le catalogue de mai pour le fêter avec nos clients, nous y sommes allés forts sur les plantes résistantes à la chaleur (sourire) avec des plantes qui n’ont pas besoin de beaucoup d’eau... bref (soupir) la nature nous a rappelé juste qu'elle était la plus forte, un printemps à oublier côté commerce, passons à l’été. 

ZH : Est-ce que cela fera des dégâts pour les comptes des jardineries ? 

Les jardineries sont résilientes. 200 ans pour Truffaut ! Il faut laisser passer les périodes moins porteuses, faire les arbitrages courageux, rester solidaire et responsable dans notre gestion. Toutes les équipes font beaucoup d’efforts. Et dans ce contexte il faut néanmoins continuer à regarder l’horizon et à nourrir nos projets indispensables pour construire l’avenir de l’entreprise tout en étirant dans le temps nos sujets de saison au maximum. 

ZH : Que voulez-vous dire en étirant certaines actions ? 

Nos producteurs, et fournisseurs ont monté en charge des productions qu'ils ont besoin d'écouler aussi. Il faut le bon équilibre pour étirer cela dans le temps en responsabilité. Attendre autant que possible, garder en pleine terre quand on le peut par exemple. 

ZH : Est-ce que ce début de saison oblige à de l’austérité au niveau de la centrale ? 

Partout dans l’entreprise tout le monde fait des efforts. Sur la gestion, sur les renforts, sur les projets que l’on décale parfois. Toutes les décisions raisonnables sont prises dès qu’on le peut pour éviter de pénaliser notre avenir. Par exemple nous clôturons notre test non concluant à Bastille aussi dans cet esprit de responsabilité. 

ZH : Au fait ? Comment se comporte le magasin de Gaité Montparnasse ?
 Un travail important a été fait avant l’ouverture et depuis l’ouverture, par les équipes en place pour se battre. Les résultats sont encourageants. Nous n’étions pas forcément rassurés au début. L'équipe a fait un lancement assez incroyable avec beaucoup d'engagement, beaucoup de rigueur. Le magasin est petit mais vivant. Il a imposé de reconsidérer des schémas mentaux pour adapter le concept et être utile. Le centre commercial se dynamise bien, les volontés sont partout. A l'heure actuelle, la trajectoire est satisfaisante et beaucoup plus proche de ses objectifs que ce qu'on aurait pu craindre il y a 2 ans. 

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Magasin Gaïté Montparnasse

Le retour des outils motorisés

ZH : Il y a un an nous avions évoqué le lancement de Vision 2030. Que s’est-il passé depuis et quelles sont les enseignements ? 
Nous avons réalisé notre 1er rêve en tenant cette promesse. A savoir lancer cette démarche Vision qui a démarré par l'écriture d'une nouvelle raison d'être, que nous ne manquons pas de rappeler. “Faire découvrir les richesses et les joies de la nature pour contribuer à un monde meilleur.” Tout le reste découle de cette phrase. 100% des collaborateurs Truffaut ont contribué. 

ZH : Concrètement qu’avez-vous mis en place ? 
Quand des milliers de collaborateurs prennent le chemin du client à domicile, il y a nécessairement quelque chose qui se transforme dans le cœur de l'entreprise. Chez nos collaborateurs, il y a eu d'abord, de l'appréhension, “je ne suis jamais sorti de mon magasin”, “comment allons-nous être accueilli chez le client ?” Et après, beaucoup de plaisir. On a été incroyablement accueillis parce que nos clients ou non clients, sont passionnés par leur jardin, leurs plantes d’intérieur ou avec leurs animaux. 

ZH : On dirait que vous l’avez fait vous-mêmes 
Oui bien sûr, plusieurs. Une par exemple, à laquelle j’ai participé dans le village de Vulmon avec l'équipe du magasin de Metz. Nous étions trois et c'était chez une cliente peu fidèle à l’enseigne, avec un beau petit jardin, pas extrêmement arboré, plutôt un potager. C'était l'événement et les voisins sont venus nous voir. C'était sympa ! Des comptes rendus écrits de toutes nos visites ont été réalisés, et donc une matière extrêmement riche. 
 

ZH : Au-delà des habitants qui d’autres avez-vous consulté 
Toutes les parties prenantes, nos collaborateurs bien sûr, nos partenaires, fournisseurs et à la fin, le tout représente 30 000 contributions qu'il a fallu classer, travailler, chiffrer, prioriser, traiter selon plusieurs axes stratégiques. Puis nous avons réuni le top 100 des managers début juillet 2023, le Comel, (le comité de direction élargi) avec tous les directeurs de magasins, les chefs de service, pour ordonnancer toutes ces idées et pour essayer de dessiner un premier plan stratégique avec des premières orientations. Nos grandes idées et grandes ambitions pour notre rêve à 2030 sont résumées dans une affiche Vision que vous allez trouver dans le bureau de chaque directeur de magasin. Chaque personne qui rejoint l'entreprise la voit et on l'alimente régulièrement. Une boussole. 

ZH : Et concrètement, ça se traduit comment ? 

Concrètement, nous avons écrit trois ambitions fortes. La première : continuer à être le leader local sur le végétal, le jardin avec beaucoup d'expertise dans tous les périmètres. Cela veut dire que nous pensons pouvoir encore conquérir des parts de marché et développer le business végétal. Deuxièmement, nous confirmons notre volonté d'asseoir l'animalerie, avec un vrai rôle de challenger. Les clients doivent pouvoir trouver chez nous une offre de spécialiste compétitive, avec une qualité d'accueil, une qualité de parcours client, des prix bien placés, le soin, les produits complémentaires, le conseil. Et le troisième sujet, c'est l'ouverture de notre rêve à un concept autour de la nature, plus global, autour de l'outdoor. 

ZH : L’outdoor ? Mais c’est nouveau
Oui c'est nouveau. Essayer de venir capter ce que l'on peut ramener de cohérent dans l'écosystème Truffaut, sur des sujets autour de l'exploration, de la randonnée, du camping, du bricolage, du loisir créatif autour du jardin, des économies d'énergie, des énergies renouvelables, de la gestion de l'eau, de l'éolien, du matériel pour observer les animaux… ces sujets-là… Donc une jardinerie Truffaut en 2030, ce qu'on a un peu à l'esprit, c'est un gros pôle végétal/jardin, un gros pôle animal, et au milieu, tout ce qui réunit les amoureux de la nature sur des offres saisonnières ou pas, mais autour des sujets de nature. 
 

ZH : Allez-vous vous aventurer sur le terrain de Décathlon ? 

Non ni Décathlon, ni Le Vieux Campeur mais selon l'attente des clients Truffaut, avec notre morphotype de client qui est plutôt jardinier ou amoureux des animaux, qui a besoin à un moment donné, de passer du temps en famille. Par exemple nous avons une offre pique-nique très complète « à la Truffaut » 

ZH : En termes de marque propre ? Les MDD seront-elles sur l’outdoor ? 
Pas dans un premier temps, nos marques propres que nous appelons nos MDN (ndlr Marque de la Nature) vont surtout se développer sur des sujets jardins et petfood. On vient poser la marque propre là où ça a du sens. 

ZH : Mais comment cet outdoor sera-t-il positionné? Luxe, premier prix ? Il y a déjà des concurrents dans cet univers… 
Nous allons nous positionner sur un mode jardinier, avec son profil type, ses aspects, son environnement, son style. Et donc un set de pique-nique pour ce client-là, ce n'est pas le set de pique-nique 1er prix au sens de celui que l’on trouve sur Tému par exemple. Mais notre rôle est de rendre le meilleur accessible à tous. La qualité Truffaut accessible.
 

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 ZH : Est-ce que, à contrario, vous avez écarté des produits du plan de vente ? Il y a des références que nous allons écarter petit à petit. Pas des familles complètes, mais le textile tel qu'il est fait aujourd'hui va basculer vers une offre à deux têtes. Une partie protection (EPI), qui fait partie aussi des axes nouveaux de développement stratégique et une partie plus balade, exploration, forêt, confortable, avec un style un peu Truffaut. Par ailleurs il y a déjà des produits qui sont sortis du référencement traditionnel Truffaut, comme une partie du jouet, une partie de la peluche… La déco, sera conservée au sens d'un produit aligné à la nature, en respect à la nature. 

ZH : Pas de gamme chasse ? 
Non, non. On a eu des retours dans nos consultations sur ce sujet et on a arbitré. Et la chasse aujourd’hui ne fait pas partie intégrante d'un axe stratégique chez Truffaut... l'équitation non plus. 

ZH : Pourquoi avoir écarté la chasse et l’équitation ? 
Il faut une certaine forme de légitimité et de cohérence. Ce qui me tient à cœur, c'est qu'un client puisse passer d'un rayon à l'autre sans être complètement exclu. Et l'offre qu'on va construire, va aller dans ce sens-là. Par le passé, on a vendu du tricot ! Passer des outils de jardin au tricot… Aujourd’hui, on fait en sorte que le client petit à petit rentre dans son esprit que Truffaut, c'est une offre globale cohérente autour de la nature. Nos arbitrages sont aussi faits en fonction de la légitimité que l’on peut nous reconnaitre. Quand c’est un effort trop important il faut savoir arbitrer. 

ZH : Dans cette offre globale cohérente autour de la nature on voit revenir les outils motorisés 
Oui, le matériel motorisé a triplé en surface en 2 ans. Nous étions allés trop loin en arrière. 

 

Exit les barres chocolatées toute l'année

ZH : Et tout ce qui est épicerie, nourriture ? 
Au sens de ce que l’on fait aujourd’hui on a du mal à imaginer cela ainsi à l’avenir. Il faudra des adaptations ; tout n’est pas encore écrit, les équipes y travaillent. Les produits que nous offrons pourraient être en lien avec une espèce de logique de production locale ou de capacité à faire soi-même. Il va y avoir une offre, évidemment, autour de la transformation de la conservation mais pas forcément d’épicerie tout au long de l'année comme on le voit parfois. Les barres chocolatées sucrées toutes l’année… en tête de caisse, plus chères qu’en hyper…, ça n'a pas de sens. En revanche, pousser des produits locaux sur des fêtes de fin d'année, sur la saisonnalité, sur Pâques par exemple, avec des produits qui ont du sens pour la nature, pourquoi pas ? Il ne faut pas se disperser. Cette démarche Vision a été travaillée pour qu’à la fin, nous ayons un concept sur lequel il y a une raison de venue supplémentaire chez Truffaut. Tout n'est pas écrit au millimètre, parce qu'on est dans une démarche de définition du terrain de jeu. Et maintenant, on avance, on va marquer des buts, on va créer de la valeur.

 ZH : Quand est-ce que vous allez déclencher cette offre outdoor ? Ça a commencé, déjà notamment sur des offres de panneaux photovoltaïques qui sont en test dans certains magasins. C'est work in progress… 

ZH : Côté service, on vous avez quitté l’an dernier alors que vous aviez mis pas mal de services en standby. Est ce que Vision 2030 a débloqué la situation ? Oui, nous avons lancé notre plateforme de service il y a deux mois maintenant intégralement. Elle est en place dans tous les magasins de France avec une centaine de services proposés. Ceux qui rencontrent le plus de succès sont les services de montage, parce qu'on a quand même pas mal de projets manufacturés qui nécessitent un peu de montage (barbecues, salons de jardin, parasols, jardinières, carrés potagers...). En quelques semaines nous avons déjà rendu plus de 500 services… ça marche bien ! 

ZH : Ce service de montage, qui le rend chez l’habitant ?
 Des professionnels, que nous sollicitons avec nos partenaires en local. ZH : Vous prenez une marge sur ce service payant … Ce n’est pas l’objectif majeur. On rend service avant tout pour développer notre utilité. Cela permet souvent de faire une vente qui aurait pu nous échapper, et ensuite on gagne surtout des achats complémentaires. Des achats qui ne se seraient pas faits chez nous si nous n’avions pas eu cette prestation de service. Vision 2030 a montré qu'il faut qu'on soit plus utile à nos clients pour qu'on soit plus indispensable. Et c'est vrai aussi sur la plantation, la taille, la tonte, … le rempotage. 

ZH : Et les services futurs
On y travaille…Il faut savoir qu’après la construction de Vision 2030, les équipes sont associées à sa mise en œuvre au travers d’une quinzaine de projets qui sont lancés avec des groupes de travail dont celui des nouveaux services justement ceux qui seront rendus demain, l’offre nouvelle, la marketplace etc. Mais pour l’instant il est un peu tôt pour en parler. 

ZH : Juste quelques infos sur la marketplace : vous aviez émis l’idée l’an passé d’offre croisée avec d’autres enseignes. Où en êtes-vous ?
 Globalement, ce que je peux dire, c'est qu'on est très sollicités pour accueillir sur notre marketplace et pour être accueillis sur les marketplaces des autres. Beaucoup de confrères périphériques à notre métier se rendent compte que le végétal, c'est un métier difficile et qu'il vaut mieux nous laisser le faire sur leur marketplace plutôt que de le faire eux-mêmes. Ça, c'est top. A suivre donc. 

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La franchise et des alliances

ZH : Autre projet stratégique lancé ? 
La franchise ! On doit être en mesure de designer une vraie franchise de jardinerie, créer un modèle économique, un modèle commercial, un modèle de gestion qui soit franchisable, à forte valeur ajoutée pour le franchisé, pour le franchiseur, pour le client. Et là, on aura quelque chose qui se duplique. Nous avons lancé les réflexions la semaine dernière avec en leadership Laurent Beaujouan, ancien Directeur Régional de Truffaut et déjà responsabilisé auprès des affiliés, nommé pour explorer ce sujet et rendre une copie aboutie que l’on mets en œuvre sur 2026 par exemple. Ce serait top. 

ZH : On a vu les dégâts de l’inflation, Vous aviez parlé il y a un an de démocratisation des produits… Est-ce qu’on peut imaginer un sourcing massifié avec d’autres enseignes ?

 Oui, oui, il faut qu'on soit capable de faire ça. Nous sommes tous trop seuls dans notre coin. On pourrait imaginer travailler avec d’autres jardineries sur des offres jardin , des produits plus brico avec la GSB, du pet food, premier prix avec la GSA. C'est ça les trois périmètres. Après, dans l'outdoor, nous avons moins les idées claires pour l’instant mais on pourrait imaginer effectivement un processus identique. 

ZH : A quel horizon envisagez-vous des alliances ? Rapidement ? Oui. 

ZH : Vous ne savez pas avec qui par hasard (sourire) 
Non (sourire) 

ZH : Demain nous allons interviewer Thierry Garnier on peut lui en parler si vous voulez (sourire) 
Avec plaisir. La disproportion de taille, est peut-être un peu importante. Il faut que les gains soient bons pour les deux. 

ZH : Alors cela pourrait être Mr Bricolage ? 
Oui ça peut être beaucoup de monde : des jardineries traditionnelles, aux grandes surfaces alimentaires, ou de bricolage. Toutes les enseignes du marché peuvent avoir le même intérêt et besoin. 

ZH : Question taboue. Avez-vous reçu des propositions d'acquisition de Truffaut émanant d'autres enseignes ? 
Pas à ma connaissance.

Pierre Dieuzeide
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