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Exclu : les quatre vérités de Thierry Garnier, the big boss de Kingfisher

Pierre Dieuzeide
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 Il est polytechnicien, écrit et parle chinois, il a même débuté comme conseiller de Michel Barnier. Aujourd'hui, Thierry Garnier dirige Kingfisher (et donc aussi Castorama et Brico Dépôt) et il répond à tout, sans se dérober : marketplace, format des magasins, compact Brico Dépôt, franchise, rachat de Mr.Bricolage, index partagé...(ou pas) avec Leroy Merlin… tests de livraison avec Uber Eats ou Deliveroo ... Il n'esquive aucune question... Même celle de savoir si Castorama repassera un jour devant Leroy Merlin. 

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Zepros Habitat : Comment un polytechnicien se retrouve-t-il dans la distribution ? À quel moment ça a dérapé dans votre vie, comme dirait Édouard Baer ? 

Thierry Garnier : [sourire] J’ai commencé en travaillant quelques années pour le gouvernement français auprès de Michel Barnier quand il était ministre des Affaires européennes. C’est ensuite que je suis passé directement de son cabinet à stagiaire directeur de magasin. 

Z. H. : Mais qu’est-ce qui vous a pris ? Pourquoi rejoindre Carrefour ? 

T. G. : Pour plusieurs raisons. D’abord, pour gérer des équipes très larges et sur le terrain plutôt que des petites équipes dans l’univers de la technologie ou des finances. Je cherchais aussi une dimension plus sociale, qui touche un public large et tous les consommateurs. Ainsi, tous les métiers de distribution m'intéressaient. C'est pour ça que j'ai commencé dans l'alimentaire… et aujourd'hui chez Kingfisher. 

Z. H. : Comment intègre-t-on un polytechnicien dans une GSA ? 

T. G. : Comme stagiaire ! Voilà comment je suis rentré chez Promodès (Carrefour)… Stagiaire, directeur de magasin pendant un an, caissier, boucher, poissonnier, j'ai géré le rayon d'épicerie. J'ai fait tous les métiers pour les apprendre… Au bout d'un an directeur d'un hyper à Libourne et un an plus tard directeur régional dans le Nord, où j'ai contribué à transformer cinq magasins Continent en Carrefour avant de passer directeur régional sur Paris. Et là, le groupe Carrefour a fait un pari incroyable parce qu'ils m'ont nommé directeur général de Champion. Ainsi, ils me faisaient sauter trois étapes de carrière. Un vrai pari. J'avais 36 ans et je me retrouvais à la tête de la deuxième entité de Carrefour en taille à cette époque-là avec 14 milliards d'euros de chiffre d’affaires, 80 000 personnes, 1000 magasins dont 40 % des magasins étaient franchisés. Un sacré pari… 

Z. H. : Comment cela s’est-il passé ? 

T. G. : Très difficile au début… J'ai survécu [sourire] et finalement les choses se sont bien passées. J'avais des jeunes enfants [N.D.L.R ; : Thierry Garnier a cinq enfants]. C'est une époque où ils ne m'ont vraiment pas beaucoup vu . 

 

 

Thierry Garnier, une vie de distributeur

Chevalier de la Légion d’honneur, Thierry Garnier est né le 25 mars 1966. Après des débuts en ministère avec Michel Barnier comme conseiller technique, il rejoint Carrefour en 1997 pour ne le quitter que vingt-deux ans plus tard. Là, il sera successivement directeur de magasin, directeur régional, directeur général de Champion, patron de Carrefour Monde hors Europe, puis de diverses régions du monde. Il cite de mémoire : « Colombie, Brésil, Argentine, un peu d'Europe centrale, Roumanie, Turquie, Malaisie, Thaïlande, Inde, Moyen-Orient, Chine, Taïwan. » On doit à Thierry Garnier la création de Carrefour Market. Entré en 2019 à la tête de Kingfisher, il succède à Véronique Laury et entreprend de redonner autonomie et personnalité à chaque enseigne. Le One Kingfisher a vécu ! En apparence en tout cas, car le déploiement des MDD se poursuit, mais chaque enseigne a la sienne
 

« Nous sommes tous impressionnés par le retail chinois »

Z. H. : Vous avez parcouru le monde, emmenant finalement votre famille en Chine pendant sept ans et demi. Là-bas, vous apprenez à parler et écrire chinois. Qu’est-ce que ce pays vous a appris aujourd’hui comme CEO de Kingfisher ?

 T. G. : Nous avons tous été très impressionnés par le retail chinois. L’innovation de la distribution en Chine est toujours une source d'inspiration largement sous-estimée dans le monde aujourd'hui, même si j’entendais dire au DIY Global Summit que Doug Milan, de Walmart, avait été fortement inspiré par le retail chinois. 

Z. H. : Les Chinois ont toujours été des commerçants dans l’âme… 

T. G. : Oui, mais il y a quelque chose d’autre en Chine : un appétit pour le changement. C'est un peuple qui aime les choses nouvelles, qu’il “sur-adopte”, quitte à les éliminer si elles ne sont pas bonnes. Mais, encore une fois, il y a une espèce d'enthousiasme pour la nouveauté. Globalement, l'être humain n'aime pas le changement et c'est donc assez rare de voir ça. 

Z. H. : Quelles innovations asiatiques pourraient aujourd’hui infuser chez Kingfisher ? 

T. G. : La vitesse… notamment dans le e-commerce. Nous ne sommes qu’au début de l’aventure du e-commerce et nous allons vivre des années de progression. Notre stratégie depuis 2019 est d’affirmer que nous croyons à la vitesse et au choix. Les jeunes générations sont sur la vitesse, c’est une tendance de fond. Or, si vous voulez aller vite, il faut préparer en magasin, pratiquer le click&collect et la livraison à domicile, y compris rapide. La préparation, chez Screwfix, c’est une minute ! À chaque fois que je dis cela, on me répond « non c’est une blague ». Mais non, c’est un véritable engagement, et Screwfix livre aussi à domicile en moins d'une heure sur 60 % de l'Angleterre. Je peux même vous révéler les stats du mois dernier : la moyenne était de 38 minutes.

 Z. H. : Oui, mais il y a la concurrence des grands spécialistes type Amazon. Vous pourriez raisonner par grand stock centraux… 

T. G. : Nous ne croyons pas à un gros « fulfillment center » au milieu de la France ou de l'Angleterre qui va vous livrer dans trois jours. Évidemment, c'est beaucoup plus confortable que de faire la préparation magasin. Ce n'est pas notre stratégie. Et nous pensons que si nous voulons être un concurrent efficace d'Amazon, c'est en s'appuyant sur nos magasins et en poussant le click&collect. Nous possédons un actif qu'Amazon n'a pas. De toute façon, si vous voulez faire la même chose qu'Amazon, il est bien possible qu'Amazon le fasse mieux que vous. 

 

« Nous réfléchissons à des tests de livraison avec Deliveroo ou Uber »

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Stock produit du magasin compact  Brico Dépôt de Cahors

Z. H. : Quand vous parlez d’actif qu’Amazon n’a pas, il s’agit du réseau de magasins ? 

T. G. : Oui, bien sûr : dans un magasin, vous avez l'assortiment, les équipes, vous avez déjà les charges, pas de coûts additionnels, alors qu’en créant un entrepôt vous créez des millions d'euros de coûts supplémentaires. Aujourd’hui, nous sommes à 30 minutes à une heure des clients… maximum. Avec peut-être pour Brico Dépôt un retrait en deux heures, mais nous réfléchissons à faire baisser cela, même via des tests avec Deliveroo pour B&Q ou même Uber Eats pour livrer à domicile. 

Z. H. : Justement en parlant de choix, vous développez enfin la marketplace en France ! 

T. G. : Nous avons cru très vite aux marketplaces… dès 2020, avec un démarrage chez B&Q début 2021. Et l'année dernière, nous avons réalisé 200 millions de Livres [N.D.L.R. : l’équivalent de 237 millions d’euros] de GMV (volume d’affaires). Depuis, nous avons démarré l'Espagne, le Portugal, Castorama France, la Turquie, bientôt la Pologne. Hormis la Roumanie, nous serons dans tous nos pays avant fin 2024. 

Z. H. : Pourquoi avoir attendu si longtemps pour la France ? 

T. G. : Vous trouvez que c'est trop long ? 

Z. H. : Oui, parce que pendant ce temps-là, vous avez un gentil concurrent qui occupe le terrain… 

T. G. : Ce n’est pas grave. Ce qui importe, c’est la manière de faire sa marketplace. Peut-être que nous reparlerons dans un ou deux ans du nombre de nos SKU (référencements), parce que là, on a atteint plus de 2,2 millions sur l'ensemble des pays à fin juillet. Or en deux années, comparé à d'autres, c'est assez rapide. En disant cela, je respecte toujours nos concurrents… parce que nous avons de bons concurrents ! 

Z. H. : Vous disiez tout à l’heure que vitesse et choix étaient vos inspirations chinoises… Ça se dit comment, en chinois, vitesse et choix ? 

T. G. : Sùdù, c'est la vitesse, et XuanZé le choix. 

Z. H. : Pour rester dans l’idée du SùDù (vitesse), est-ce que vous ne souffrez pas d’un manque de maillage et donc de proximité ? 

T. G. : Je ne peux pas être plus d'accord avec vous ! Les magasins compacts sont dans nos priorités depuis 2020. C'est l’une des grandes tendances mondiales depuis des années, les petits formats. Mais il y a encore de nombreux pays sans petits formats qui ressembleraient à des Mr.Bricolage ou Weldom en France. En Angleterre, Espagne et Pologne par exemple, ces formats ne sont pas développés. Nous, nous avons décidé de faire des tests et les deux tiers nous ont satisfaits ! 

Z. H. : Casto Levallois ou Solférino, sont-ils satisfaisants ? 

T. G. : Oui, nous en sommes très satisfaits mais chez Castorama, notre priorité est ailleurs : nous avons un plan pour améliorer la rentabilité de Castorama car aujourd’hui, le profit n'est pas au niveau attendu. Donc, même si nous sommes satisfaits, nous freinons un peu l'équipe Casto en disant : « D'abord, essayons de bien faire le plan annoncé avant de rajouter trop de priorités. » Il faut hiérarchiser. Ceci dit, nous testons beaucoup en Angleterre aussi avec des B&Q Locals dans des High Street, donc dans des rues passantes et aussi des B&Q de 2000 m² dans des petits retail parcs très performants et que nous déployons. Enfin, nous testons des Screwfix ultra-compacts en centre-ville qui sont vraiment très intéressants. 

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Z. H. : Des micro-Screwfix ? 

T. G. : Oui, des Screwfix City. Nous en avons sept ou huit maintenant dans Londres. Et bien sûr, nous testons en France le Brico 1000 m2 [N.DL.R. : Brico Dépôt Compact type Cahors]. Très intéressant mais trop tôt pour en parler, mais je crois que vous connaissez le sujet.… Enfin, nous avons aussi des petits magasins en test en Pologne. 

Z. H. : Justement, comment jugez-vous les résultats actuels des grands formats par rapport aux petits formats ? 

T. G. : L’année 2023 n’a globalement pas été très bonne pour ce qu'on appelle les gros projets – cuisine, salle de bains, etc. – vendus essentiellement par les plus gros magasins, typiquement les nôtres ou ceux de Leroy Merlin, plus impactés que les petits magasins. Je crois beaucoup aux petits formats de façon générale, mais cette année ils bénéficient vraiment d’une prime à la baisse d’achats de gros projets. 

 

« Reprendre Mr.Bricolage ? Ce n’est pas dans notre agenda

 

Z. H. : C’est d'autant plus râlant de ne pas avoir plus de magasins MSB... Il y a une astuce que je vous donne, sous le manteau : Il suffit d'acheter enfin Mr.Bricolage ! Ça a failli être fait… 

T. G. : Je ne suis pas surpris par votre remarque [sourire]. Mais non, ce n'est pas dans l'agenda. On a assez à faire en France. Nous sommes très satisfaits de la joint-venture à l'achat Unio avec Mr.Bricolage. 

Z. H. : En termes de sourcing et d’offres, comment vous situez-vous par rapport à vos concurrents ? 

T. G. : La moitié de nos ventes sont le fait des marques propres avec des produits différents et une meilleure marge. Et c'est l’une des grandes chances de Kingfisher d'avoir vraiment créé une équipe de développement de marques propres avec des designers, des ingénieurs. Et ce n’est pas à moi qu’on le doit mais à l’équipe précédente. 

Z. H. : Existe-t-il d’autres exemples de GSB avec des MDD aussi présentes ? 

T. G. : Si l’on se compare à des concurrents américains ou européens, il n'y a personne qui a un tel taux de pénétration de la marque propre. On le doit au travail de nos bureaux de sourcing à Shanghai, à Hong Kong, à Shenzhen, au Vietnam, en Turquie, etc. avec un vrai travail de négociation et de contrôle de qualité. Ça, c'est la moitié de nos ventes. Après, on a un petit nombre de fournisseurs sur lesquels nous négocions au niveau du groupe. Ensuite, nous laissons les enseignes négocier par pays. Dans le retail, la tentation est souvent de centraliser, mais on perd très vite de l'agilité locale. Aujourd'hui, je suis satisfait des prix pratiqués par Castorama. Pour Brico Dépôt, je ne suis jamais satisfait des prix car c'est un discounteur [sourires]. Sa mission est de toujours baisser ses prix. Mais pour baisser les prix, il faut baisser ses coûts ! Dans un cycle de discount, tous les ans nous devons essayer de baisser un petit peu les prix, d'améliorer le chiffre d’affaires au mètre carré, d'avoir des nouvelles idées géniales pour baisser les coûts… et de continuer. 

« Je vois la franchise comme un moyen de mieux gérer certains magasins »

Z. H. : Comment jugez-vous les résultats de Brico Dépôt, à nouveau autonome ? 

T. G. : Nous avons vécu une année plus difficile en 2023 comparé à 2022, qui était excellente. Mais globalement, c'est un modèle qui est très solide, très fort, à bon niveau de profit, bonne densité des ventes. Les deux objectifs de Brico Dépôt, c'est de continuer à cultiver notre ADN de discounteur et d'ouvrir des magasins si on le peut. 

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Z. H. : Vous pourrez avec les compacts en-dessous de la barre des 1000 m2 exigé par les CDAC… 

T. G. :Oui, mais nous allons aussi transformer un magasin Castorama en Brico Dépôt, celui de Montgeron. Ce n’est pas une option que l’on peut utiliser massivement parce qu'il y a plein de zones de chalandise qui se recoupent, mais c'est une option. Il y a en effet l'option des petits Brico de 1000 m², des Brico Dépôt classiques dans des zones encore ‘blanches’ et enfin l'option de la franchise. Je vois la franchise comme un moyen de mieux gérer certains magasins Castorama, et d'ouvrir des magasins Brico Dépôts dans des zones rurales où nous ne saurions pas les ouvrir nous-mêmes. 

Z. H. : Il y a un patron de la franchise ? 

T. G. : Aujourd'hui, Alain Rabec est en charge de créer une équipe franchise en France. 

Z. H. : Avez-vous prévu des ouvertures en franchise cette année ? 

T. G. : Oui, nous avons annoncé deux tests pour Castorama et j'aimerais bien faire un test de franchise Brico Dépôt aussi, mais sans précision de date. 

Z. H. : Des tests de reprise de magasin ou de création ? 

T. G. : Sur Brico Dépôt, ce sera une création, et chez Castorama le sujet est en cours. 

Z. H. : Au Global DIY Summit, lors de votre discours de président de l’Edra, vous avez proposé une grande offensive décarbonation environnementale en invitant les distributeurs à vous rejoindre et en annonçant l’investissement de Kingfisher. Pouvez-vous nous détailler cet engagement ? 

T. G. :Notre proposition est vraiment d'aider l'industrie à atteindre « net zéro » en 2050 (zéro émission, décarbonation totale). Nous demandons à nos cent plus gros fournisseurs d’avoir un plan pour devenir « net zéro » en 2050 et que ce plan suive une certaine méthodologie, appelée SBTI, ‘Science Based Target Initiative’. Il s’agit un peu de la référence mondiale aujourd'hui proposée par cette ONG qui valide vos plans « net zéro ». Si cet organisme n'a pas confirmé que vos plans sont sérieux, vous ne pouvez rien dire. Par ailleurs nous demandons à nos fournisseurs qu'ils utilisent la plateforme ‘Manufacturing 2030’ pour échanger leurs données avec nous. Nous souhaitons que le Top 100 de nos fournisseurs soit prêt en 2028, et le Top 450 en 2030. 

Z. H. : Et si vos fournisseurs ne remplissent pas ces conditions ? 

T. G. : Cela posera des questions sur l'avenir de nos relations avec certains fournisseurs. 

Z. H. : Là, vous montrez l’exemple, mais les autres distributeurs vont-ils vous suivre ? 

T. G. : Oui, c'est vraiment une initiative de toute la profession, avec Home Depot aux États-Unis jusqu'à Bunnings en Australie en passant par l’Europe. Nous essayons de nous mettre d'accord sur des méthodes communes pour faire gagner du temps à tout le monde… et surtout aux plus « petits » retailers et fournisseurs. Ce que nous avons présenté au DIY Global Summit est sans doute l'initiative la plus ambitieuse de la distribution en matière de « net zéro » avec, dans la salle, 85 % de la distribution mondiale du Home Improvement. Et vous avez maintenant les fournisseurs de Home Improvement mondial qui ont décidé de créer une task force. C'est fantastique ! 

 

 

« Nous pensons que certaines des initiatives [de scoring] ne résisteront pas aux pressions des réglementations de l'anti-greenwashing. »

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Z. H. : Que pensez-vous de l’initiative de Leroy Merlin Home Index pour noter la qualité des produits ? 

T. G. :Nous avons lancé pour notre part une initiative qui s'appelle Green Star qui arrive en France. 

Z. H. : Pourquoi ne pas faire cause commune avec Leroy Merlin ? 

T. G. : Aujourd’hui, vous avez de plus en plus de réglementations 'anti-greenwashing’, désolé pour l’anglicisme. Face à ces très fortes contraintes, nous avons décidé de rester sur un signe, Green Star, qui montre que ce produit est un plus. En clair, nous pensons que certaines des initiatives que vous voyez aujourd'hui ne résisteront pas aux pressions des réglementations. Donc… on a bien réfléchi à tout cela… et nous pensons, à l’instar d’Ikea qui met un rond rouge pour ses produits positifs, qu’on restera sur Green Star. 

Z. H. : Vous pensez donc que la note du Home Index est un risque ? 

T. G. : Nous avons jugé pour notre part que nous ne pourrions pas durablement communiquer de cette façon, d’autant que certains pays sont plus stricts que d'autres – ce qui est le cas de l’'Angleterre – et que la réglementation française ou européenne tendra sans doute vers cela. 

Z. H. : Est-ce que vous travaillez en France au sein des instances type FMB à une politique de marquage commun des produits vertueux ? Avec ou sans note ? 

T. G. : Nous regardons d'un œil très bienveillant les initiatives de la FMB, et si nous pouvons les aider, nous les aiderons. On peut se rejoindre sur certains produits. 

Z. H. : Home Index intègre dans son jugement l’aspect conditions sociales de travail, travail de enfants… Quid de vos actions en la matière ? 

T. G. : Alors cela, c’est essentiel pour Kingfisher ! Quand vous êtes une grande entreprise cotée, vous avez par exemple en Angleterre ce qu'on appelle le Modern Slavery Act. Nous sommes engagés depuis des années sur ce sujet, avec des audits de nos supply chains pour s'assurer par exemple que des enfants ne travaillent pas chez nos fournisseurs. 

Z. H. : J'ai une dernière question… 

T. G. : Allez-y ! 

Z. H. : Ça se finit toujours avec une question de tabou… Vous êtes prêt ? 

T. G. : Oui. 

Z. H. : Il y a près un peu plus de 25 ans je demandais à Damien Deleplanque si un jour Leroy Merlin passerait devant Castorama. Il avait répondu par l’affirmative. Donc je vous repose la question pour tous les salariés fiers de travailler chez Castorama : est-ce qu'un jour vous repasserez devant Leroy Merlin ? 

T. G. : Être le premier m’importe peu, ce qui compte c’est être le meilleur. Nous avons des objectifs de croissance pour le groupe. Nous voulons apporter la meilleure réponse à nos clients. Mais dire de façon un peu guerrière que notre objectif est d’être le premier, ce n'est pas ce à quoi je crois. Encore une fois, être le meilleur, réussir au travers de nos trois enseignes à avoir une forte croissance en France, oui, nous y parviendrons. 

Z. H. : Mais l'objectif, c'est bien ça, être le premier, non ? 

T. G. : Je le dirais différemment. Je pense que les égos, ce sont toujours des choses dangereuses. Qu'on soit un très beau groupe, qu'on fasse une belle croissance, qu'on ait des réalisations financières pour nos investisseurs et qu'on ait trois belles enseignes en France, voilà ce que je souhaite. Après, on verra. Quant à Castorama, puisque vous le citiez, je crois beaucoup à la marque Castorama. C'est une marque magnifique, avec des équipes magnifiques et un beau concept. Il faut que nous soyons fiers de Castorama et assumer nos différences.

Pierre Dieuzeide
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