Marché, bataille de la franchise, achats, alliances,... les 4 vérités de Christophe Mistou, DG de Mr.Bricolage

, mis à jour le 10/05/2025 à 18h53
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Interview très cash du DG de Mr Bricolage qui fêtera l’an prochain, une décennie à la tête de ce groupe. Christophe Mistou nous redit sa victoire sur la dette, la joie d’avoir dépassé les 1000 magasins, la confiance totale dans cette enseigne qu’il considère la mieux bâtie pour les enjeux du futur. Il coince un peu sur les drôles de manières dans la bataille de la franchise… sans pour autant être dupe. Un entretien stratégique pour une enseigne qui devrait compter dans les années à venir en s’appuyant sur d’autres… ou même seul.

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Zepros Habitat : Le marché du bricolage est difficile… Peu sont optimistes. D’aucuns imaginent un marasme durable Qu’en pensez-vous ? 
Christophe Mistou : Je ne suis pas aussi inquiet : nous sommes dans un contexte très particulier. Le marché de l'immobilier est en panne, mais nous savons que ce marché est assez cyclique et qu’il finira par repartir. Dans deux-trois ans, mais il repartira nécessairement car il existe un besoin colossal dans ce pays. Ensuite, nous devons compter avec le contexte international : ce qui se passe aux États-Unis, Donald Trump, les incertitudes économiques, les conflits… Tout cela plombe toute la confiance des consommateurs. Regardez le marché de l'automobile, qui baisse encore de 17 %… La conjoncture est vraiment compliquée. 

Z. H. : On sait que la baisse du marché de l’automobile est tout aussi structurelle que conjoncturelle. Est-ce le cas du marché du bricolage ? 
C. M. : Non, je pense que l'Habitat, l'aménagement de son cadre de vie, de son jardin, restent importants pour la plupart et le resteront durablement. La maison est le cocon dans lequel vous vous concentrez dès qu'il y a une problématique extérieure. On l'a bien vu pendant le Covid-19. 

 

 "Mon enjeu n'est pas tant de hiérarchiser que de tout faire progresser en même temps."

Z. H. : Quand on est DG d’un groupe comme Mr.Bricolage, quand on se lève le matin, quelles sont ses priorités ? Bien acheter ? Bien vendre ? Développer le nombre de magasins ? Quels sont les enjeux clés ? 
C. M. : Mon enjeu n'est pas tant de hiérarchiser que de tout faire progresser en même temps. On ne peut plus, aujourd'hui, fonctionner par étape : le contexte est trop difficile. Nous portons une grande attention à maintenir nos investissements, que ce soit sur l'informatique ou la logistique parce qu'en fait, on ne peut pas s'arrêter. Lorsque le marché va reprendre dans deux-trois ans, nous devrons être prêts à 100 %. Nous ne pouvons pas attendre que cela aille mieux pour réinvestir. Voilà l’une de mes préoccupations, tout comme la rentabilité de nos magasins. Et on a la chance, chez Mr.Bricolage SA, de ne pas être une société cotée classique. Le plus important était d’être désendetté ce que nous avons fait. Quand on a payé la dette, financé les investissements, pris un peu de sécurité, le reste peut repartir au niveau des magasins. 

Z. H. : Quand vous êtes arrivé il y a neuf ans… la dette était réputée coquette… 
C. M. : Il n’y avait plus d'argent ! La dette financière nette dépassait les 140 millions d’euros. 

Z. H. : … contre 2,7 M€ aujourd’hui. 
C. M. : Oui, et c’est très important. L’autre enjeu colossal à nos yeux réside dans les compétences que nous avons ici [N.D.L.R. : à La Chapelle-Saint-Mesmin). Compte tenu de la compétition sur le marché, cet enjeu de compétence au siège et en magasin est encore plus important aujourd’hui qu’il y a dix ans. Et là encore, les deux doivent évoluer de la même manière. D’ailleurs, tout évolue ensemble : à notre exigence sur l’offre toujours plus performante répond un niveau d'exigence vis-à-vis des magasins qui doit monter, parce que tout cela crée une espèce d'environnement positif, un cercle vertueux. 

 

Sur  les surfaces de moins de 3 000 m² nous devons être les plus performants, les plus attractifs, les plus rentables. 

Z. H. : Si on résume, vous bataillez sur tous les fronts… 
C. M. : Oui, et nous pouvons ajouter un autre sujet très lourd : le développement. Il y a 8-neuf ans, Mr.Bricolage perdait tous les ans 100 à 150 points de vente tous confondus, Mr.Bricolage ou affiliés. Aujourd'hui, la tendance est largement inversée car nous continuons à gagner des magasins, qu’ils soient Mr.Bricolage, Mr.Bricolage Relais, affiliés, membres de la famille. Il est capital pour nous d'avoir un maillage extrêmement élevé même si les surfaces sont plus réduites. 

Z. H. : Est-ce que vous sentez poindre un territoire d’offre en magasin que vous n’exploitez pas assez, sur lequel vous pourriez accélérer ? Je ne sais pas moi : le jardin, le pro…
C. M. : Mr.Bricolage offre déjà tout ce qu'il faut par rapport à son métier. Le jardin, où nous sommes très forts, les premiers vendeurs de tondeuses en France. Quant à la cible pro, ce n'est pas notre métier, nous n’avons ni la compétence ni la vocation. Je suis très attentif à ce qui est accessible réellement… En revanche, ce qui est à notre portée, notre cœur de compétence, ce sur quoi on doit se renforcer tous les jours, ce sont les surfaces de moins de 3 000 m². Là, nous devons être les plus performants, les plus attractifs, les plus rentables. 

Z. H. : Parmi les territoires que votre concept explorait au début, il y avait pas mal de déco… qu’en est-il aujourd’hui ? 
C. M. : C'est le deuxième secteur le plus important après le jardin. Mais là encore, quand on parle déco, il faut être précis. Il ne s’agit pas d’un offre déco type grandes GSB, mais sur nos surfaces de magasin plutôt d’une offre en peinture et des accessoires du peintre. Nous avons de très bons résultats là-dessus. 

Z. H. : Si on additionne jardin et peinture/déco, cela représente quelle part des ventes de Mr.Bricolage ? 
C. M. : Sans rentrer dans les détails, nous devons atteindre 40 % de notre activité et une grande partie du reste va être fond de maison, c'est-à-dire toute la réparation, le petit dépannage. 

 

Leroy Merlin avec Essential va bien dans le sens de ne laisser que les vrais atouts techniques. Nous travaillons nous aussi sur ce type d'évolution 

Z. H. : Il y a bagarre sur le marché sur les premiers prix avec carrément une marque exclusive Essential by Worx chez Leroy Merlin pour contrer Parkside. Que fait Mr.Bricolage sur ce terrain ? 
C. M. : Nous avons réintroduit des premiers prix bien positionnés dans quelques magasins. Et ces produits, on ne les vend pas très bien. Donc nous avons une clientèle qui vient chez nous pour la proximité, mais aussi pour la qualité de l'offre. Et toutes les études depuis dix ans le démontrent. Mais la démarche de Leroy Merlin est instructive et nous conforte… 

Z. H. : Dans quelle mesure ? 
C. M. : Nous pensons qu’il y a une évolution du client sur une façon de consommer un peu différente. Chez nous, par exemple, les produits qui ont un indice de réparabilité élevé se vendent mieux que les autres, quand on est capable évidemment de le communiquer. Il faut que les produits aient de vraies caractéristiques techniques, pas des atouts marketing, pas une petite lampe sur la perceuse ou un niveau intégré. Tout cela gonflait les prix. Aujourd’hui, la réponse de Leroy Merlin avec Essential va bien dans le sens de ne laisser que les vrais atouts techniques. Nous travaillons nous aussi sur ce type d'évolution qui consiste à simplifier la proposition pour éviter les surcoûts qui ne correspondent plus aux besoins réels. La sortie d’Essential est réellement venue conforter un certain nombre de nos réflexions et développement de produits. 

Z. H. : Certains de vos concurrents ont un objectif de quasi 50 % de ventes en MDD. Quelle est la part des vôtres et votre objectif ? 
C. M. : On ne travaille pas de cette manière. Nous ne nous ne fixons pas d’objectif de 40, 45, 50 %. Les MDD représentent 17 % de nos transactions mais elles reflètent vraiment les valeurs que l'on souhaite. Elles sont la vitrine de nos engagements RSE, au travers du packaging des matières utilisées, des indices de réparabilité. Maintenant, nous n’avons pas la volumétrie suffisante pour raisonner la MDD comme Kingfisher ou Adeo, en travaillant des prix à des niveaux groupe. Mais comme notre clientèle plus rurale est probablement plus attachée aux marques de fabricants que les clientèles urbaines ou périurbaines… ce n’est pas très grave. 

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Z. H. : Vous voulez dire que la part de MDD plafonnera chez Mr.Bricolage ? 
C. M. : Il y a une véritable marge de progrès sur nos MDD, mais un objectif de 40-50 % de MDD est assez peu compatible en tout cas sur les trois-quatre ans avec ce que nous sommes. 

Z. H. : Et la notion de répondre à un besoin latent avec une innovation de rupture dédiée à votre MDD, comme vous l’avez connu ou dirigé chez Kingfisher… Est-ce envisageable chez Mr.Bricolage ? 
C. M. : Non. La puissance financière d'engager 100 personnes pour développer ces produits-là est à la portée de très peu d'acteurs aujourd'hui. 

 

"Désormais, nous traçons notre feuille de route en considérant que nous sommes durablement seuls. Et si cette feuille de route crée un certain nombre d'opportunités nouvelles, tant mieux."

 

Z. H. : Une question naïve… Pourquoi ne pas partager ça avec Kingfisher ? Est-ce que c’est envisagé, discuté ? 
C. M. : Comme vous le savez, nous sommes des entreprises cotées en Bourse, nous ne répondons pas à ce genre de question. 

Z. H. : Est-ce que le e-commerce est un axe de développement pour un groupe comme Mr.Bricolage ? 
C. M. : C'est un sujet sur lequel nous investissons beaucoup. Il serait assez fou d'ignorer le digital dans tout ce qu'il représente, que ce soient les sites de présentation des produits, les sites de vente, tous les réseaux sociaux aujourd'hui, tous les médias digitaux sur lesquels nous sommes d’ailleurs très actifs avec plutôt de très bons scores d'adhésions clients. Notre difficulté est de gérer autant de sites que nous avons de magasins, puisque nos sites internet reflètent l'offre qui est présente dans le point de vente au prix qui est pratiqué par nos adhérents. 

Z. H. : Et si le produit n’est pas dispos en magasin ? 
C. M. : Alors on bascule sur une offre nationale qui vient compléter l'offre locale. Mais aujourd'hui, tous les moteurs de recherche type Google nous handicapent d’une certaine manière puisque l'idéal pour être visible est d'avoir le produit sur tout un réseau au même prix. Alors bien sûr, cela arrive sur un certain nombre de nos produits sélectionnés que l'on pousse tous les mois et sur lesquels nos magasins participent évidemment puisqu'ils en comprennent le sens. Mais ce n’est qu’une partie de l'offre. Encore une fois, on n'aborde pas ce sujet uniquement au travers de la vente en ligne, c'est un ensemble de choses. Mais c'est aussi l'intérêt de savoir exploiter ces 1000 points de vente que nous avons sur le territoire parce que c'est autant de points de retrait que possible. C'est aussi pour ça que nous travaillons la logistique avec la robotisation, pour être capables de préparer à la pièce. Donc notre feuille de route, elle est posée pour les prochaines années et évidemment, on ne néglige pas du tout cette dimension-là. 

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Z. H. : Cela me rappelle les propos de Thierry Garnier, CEO Kingfisher, dans son rêve de commerce… à la chinoise, avec beaucoup de proximité, un maillage serré et du click&collect. 
Et somme toute, j'allais dire, vous avez ça… 
C. M. : Il est vrai que la période qui s'ouvre aujourd'hui, avec notamment Mr.Bricolage Relais, est un peu emblématique de ça. Maintenant, finalement que tout est posé, que le groupe est assaini, que l'informatique a été refaite, tout comme la logistique également… nous allons désormais voir comment s’appuyer sur ces 1000 points de vente. Les quatre ou cinq prochaines années sont très excitantes de ce point de vue-là. 

Z. H. : Est-ce qu’il serait juste de dire qu’un bon e-commerce pourrait vous faire gagner des parts de marché voire vous valoriser… auprès de partenaires ou d’éventuels acquéreurs, je pense à Kingfisher ? 
C. M. : Vous savez, moi j'essaie aussi d'apprendre du passé. Quand je suis arrivé chez Mr.Bricolage, on m'a expliqué que la tentative de rapprochement précédente avec Kingfisher avait gelé toutes les initiatives dans le groupe pendant deux ans et demi. Alors désormais, nous traçons notre feuille de route en considérant que nous sommes durablement seuls. Et si cette feuille de route crée un certain nombre d'opportunités nouvelles, tant mieux. Mais on ne compte pas là-dessus pour vivre, vivre bien et enrichir nos adhérents. 

 

La puissance d'achat, évidemment c'est important mais ce n'est pas que cela qui fait le résultat de nos magasins.

Z. H. : Pourriez-vous lancer une marketplace ? 
C. M. : Oui. Il faut de la notoriété – nous l’avons – mais il faut aussi des moyens considérables, de l’ordre de 5 M€ par mois, pour que vos produits apparaissent dans les trois-quatre premières lignes de la recherche Google. Donc la marketplace, dans ce sens-là, a beaucoup moins de sens pour nous que pour de très gros acteurs. En revanche, élargir l'offre pour que nos patrons de magasin, tous nos collaborateurs en magasin soient capables de dire : « Oui, ça je l'ai, venez voir sur le site. Vous pouvez le commander, vous le retirerez la semaine prochaine ici, ou vous pouvez vous le faire livrer chez vous. » Évidemment, ce sont des opportunités importantes du fait de nos 1000 points de vente. 

Z. H. : Qu'est-ce que je touche dans mon magasin si quelqu'un a acheté un produit ?
 C. M. : Là encore, la question ne se pose pas comme ça chez nous parce que vous touchez tout en réalité. J’en reviens à mon explication : une fois qu'on a payé nos dettes, nos investissements et un peu de sécurité, Mr.Bricolage SA n’a pas du tout comme objectif, tous les ans, de faire croître le résultat. Ça paraît hallucinant, peut-être, de dire quelque chose comme ça, mais ce n'est pas le sujet. Le sujet, c'est faire en sorte que nos magasins puissent se développer. Et donc, se développer sur eux-mêmes, ou se développer par de nouveaux points de vente. 

Z. H. : Il y a quand même une chaîne de valeur, un investissement qui a été fait pour faire connaître le produit sur un site internet… 
C. M. : Oui, et ça, c'est le siège qui le prend en charge et on en retire en fait des résultats au travers des cotisations que nos magasins nous reversent. Elles sont basées sur le chiffre d'affaires. 

Z. H. : Sur votre résultat, il y a vente de prestations, il y a tout ça, donc vous vendez bien des choses. 
C. M. : Là encore, pour simplifier, il y a deux lignes. Il y a l'activité logistique, qui est uniquement le volume de produits que nos magasins achètent chez nous. Et le reste, ce sont des prestations. Donc quand ils achètent de la pub, des opérations de fidélité, ça vient alimenter ce chiffre-là. 

Z. H. : ITM et Adeo se rapprochent pour l’achat de produits d’entrée de gamme. La puissance d’achat est un vrai sujet. Combien pèse Mr.Bricolage en la matière ? 
C. M. : On ne communique pas sur ces chiffres, mais c'est simple à calculer. 

Z. H. : Oui, on a demandé à l’IA et vous devriez être autour de 1,3 Md€ d’achats… 
C. M. : La puissance d'achat, évidemment c'est important mais ce n'est pas que cela qui fait le résultat de nos magasins. Quand on est retailer comme nous, le coût de la marque est quelque chose d’essentiel aussi. Les coûts de publicité, d'informatique, de la cotisation pour avoir accès à tous ces services, de la formation... C'est un ensemble qui constitue le compte de résultat. Et chez Mr.Bricolage, les coûts sont relativement faibles, nous les gérons avec nos patrons que sont nos adhérents pour que le niveau de rentabilité de leur magasin soit préservé dans des moments de crise. Mais évidemment, si vous achetez bien, c'est parfait. 

Z. H. : Dans certaines enseignes, les adhérents touchent les RFA et reversent une part décidée en début d’année à une financière et à la centrale. Comment fonctionne Mr.Bricolage ? 
C. M. : Il y a deux fonctionnements très simples : nous obtenons des royalties basées sur les chiffres d'affaires caisse des magasins. Et l'autre partie, effectivement, est constituée des remises arrière qui reviennent ici et dont nous reversons une très grande partie aux magasins, le reste étant utilisé ici pour les investissements, pour la dette, etc. Ce système-là n'a pas vocation à changer pour l’instant, mais on réfléchit régulièrement à ces évolutions-là, je dirais tous les deux-trois ans. 

Z. H. : Après, si les systèmes choisis reviennent plus ou moins au même résultat, ils portent une âme différente… 
C. M. : C’est d’ailleurs cela qui est le plus difficile à toucher. Quand vous avez un fonctionnement comme le nôtre depuis 60 ans – parce qu'on parle des 45 ans de Mr.Bricolage, mais l'ANPF a 60 ans cette année –, le faire évoluer, c'est évidemment difficile. Il faut que les adhérents comprennent bien et soutiennent les évolutions, s'il doit y avoir des évolutions. 

Z. H. : vous êtes résolument optimiste sur ce changement un jour ? 
C. M. : Je suis toujours optimiste, sinon je ne ferais pas ce métier. 

 

Mr.Bricolage Relais fournit un certain nombre de services (...) , et la contrepartie est évidemment de sécuriser notre aide à la transformation de ces magasins.

Z. H. : Quelles sont les obligations d’un Mr.Bricolage Relais comparé à un Briconautes ? 
C. M. : Nous avons construit un accord avec ces adhérents qui l'ont accepté – et plutôt en grand nombre déjà – qui est une sorte de contrat, j'allais dire gagnant-gagnant. C'est-à-dire qu'il y a un coût, évidemment, pour Mr.Bricolage Relais, et s'ils suivent le référencement à un certain niveau, ils sont primés, rendant le coût de l’enseigne relativement neutre. 

Z. H. : ET chez les Briconautes, ce système-là n’existait pas ? 
C.M. : Non, pas du tout. 

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Mr Bricolage Relais

Z. H. : Renseignements pris, Mr.Bricolage Relais aurait été plutôt bien accueilli par vos adhérents… 
C. M. : Oui, l’enseigne été très bien accueillie, effectivement. Je pense que c'était le bon moment. Quand le marché est difficile, on se demande si seul on va être capable de passer le cap. C’est le bon moment aussi car on constate une évolution dans la façon de travailler. Travailler toute la semaine et faire son administratif le dimanche matin, ce n’est plus possible. Les générations qui sortent aujourd'hui du marché ont le sentiment d'avoir trop travaillé, et les générations qui arrivent, elles, veulent partir sur des bases différentes de ce qu'elles ont vu chez leurs parents. S’appuyer sur un réseau structuré permet d’avoir une gestion plus facile, les choses sont plus bouclées, plus préparées, prêtes à être utilisées. Mr.Bricolage permet cela. Nous disons aux Briconautes : « Effectivement, vous pouvez rester... complètement libres, avec toute la charge que cela représente, qui est considérable, ou alors vous pouvez déjà faire un pas vers Mr.Bricolage avec Mr.Bricolage Relais, et d'ores et déjà vous avez accès à un certain nombre de packages qui viennent vous faciliter la vie, d'une part, mais en plus, en bénéficiant d’une puissance d'attractivité qui est très forte puisque c'est une notoriété de marché considérable. » Après Leroy Merlin, c'est la deuxième notoriété du marché. Donc je crois que ça correspond vraiment à ce moment-là, et c'est pour cela que c'est bien reçu. 

Z. H. : D'aucuns disent que Mr.Bricolage Relais est une façon aussi de les contractualiser pendant trois ans et pas tous les ans, pour certains, et de se protéger contre les attaques exogènes. 
C. M. : Évidemment, il n'y a pas de secret avec eux là-dessus. Là encore, pour qu'un contrat soit juste, soit considéré comme bon des deux côtés, il faut que chacun y trouve son compte. Donc nous fournissons un certain nombre de services auxquels ces entrepreneurs n'avaient pas accès, et la contrepartie qu'on leur demande est évidemment de sécuriser notre aide à la transformation de ces magasins. Mais là-dessus, pas d'hypocrisie : c'est évidemment quelque chose qui est important et qui est discuté très librement avec eux… et qu'ils comprennent. 

Z. H. : Est-ce que d'une certaine manière, on peut dire que c'était aussi le bon moment pour ces raisons-là aussi ? Parce qu'il y a actuellement une agressivité des concurrents, à la fois d'ITM et… de Weldom en termes de conquête. 
C. M. : Ma réponse va peut-être vous surprendre… mais en réalité on s'occupe assez peu, en fait, de ce que font les Adeo ou Les Mousquetaires. Pas que cela ne nous intéresse pas, mais on a beaucoup à faire sur nous-mêmes. Nous, on a une approche qui correspond à nos valeurs, une approche qui respecte une éthique, qui respecte les entreprises, etc. Qui respecte les entrepreneurs avec lesquels on travaille. Ces valeurs sont plus importantes pour nous et bien au-dessus de ce que peuvent faire ou ne pas faire les concurrents. 

Z. H. : Vous pensez que quelquefois cela dépasse les bornes ? 
C. M. : Nous, on reste droits dans nos valeurs en nous concentrant sur nos adhérents, nos entrepreneurs. Ils sont nos meilleurs ambassadeurs. Au lieu de regarder la concurrence, je me concentre sur les 40 magasins qui ont décidé de prendre la marque Mr.Bricolage Relais depuis le début de l'année. Tous les matins, je regarde, je me renseigne pour savoir s’ils sont satisfaits. Et je peux vous dire qu’ils sont très contents. 

Z. H. : D’ailleurs, vous communiquez beaucoup sur ces conversions en Mr.Bricolage Relais… 
C. M. : Oui, et c'est important pour nous de communiquer avec des choses qui soient justes, positives et pas des carabistouilles ou des choses derrière le dos. Mais nous ne sommes pas naïfs pour autant. 

Z. H. : Le message est passé. Toutefois, pour terminer sur ce sujet, la perte de Tridôme nous a surpris. Est-ce que Mr.Bricolage a commis une erreur, une faute qui s’est traduite par ce départ étonnant ? 
C. M. : Non, je ne crois pas. Nous avons, nous aussi, été surpris parce que les relations était bonnes avec l'équipe Tridôme, avec son directeur général. Mais Tridôme appartient à un entrepreneur qui a décidé un jour de vendre et qui a décidé que ce ne serait pas Mr.Bricolage. Point. 

 

Nous serons le premier réseau indépendant de proximité en France,

Z. H. : Quand un entrepreneur de la famille Mr.Bricolage souhaite céder, est-ce qu’il ne serait pas possible de le reprendre en une sorte de portage sans retomber dans le succursalisme dont vous vous vous êtes débarrassé ? 
C. M. : Le portage, je ne crois pas que ce soit la bonne solution. Cela peut coûter très cher et on le voit dans d’autres groupes. Non, nous avons un réseau d'adhérents entrepreneurs qui est capable de s'engager très vite. Et il nous est arrivé ces trois-quatre dernières années d'acheter et de revendre le jour-même à des adhérents entrepreneurs tout ou par magasin. Cela a été le cas avec Bricolex par exemple. C’est MBSA qui achète les cinq magasins à GiFi et qui les cède dans la foulée. 

Z. H. : En termes de développement, d’abord, toujours les quatre piliers : fonds de maison, délivrer, entraide, essentiel, ça ne change pas le concept ? 
C. M. : Le concept a évolué. Au départ, nous avions sur les côtés des solutions Inventiv, puis nous l’avons fait évoluer vers des projets courts de week-end, mais nous n’avons pas su le faire fonctionner. En tout cas, les clients ne l’ont pas reçu correctement. Donc oui, on l’a supprimé, il faut autre chose en place et nous sommes en train de le faire évoluer. 

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Z. H. : Combien avez-vous de magasins au concept ? 
C. M. : Nous sommes à 133 magasins, ce qui n’est pas assez, mais la période n’est guère à l’investissement ? Cependant, on continue de le développer. 

Z. H. : En termes de développement, de nombre de magasins, avez-vous déjà des objectifs pour 2025, des recrutements dans les tuyaux ? 
C. M. : Oui, on a des choses dans les tuyaux. Je pense qu'il y a des groupements qui ont décidé d'arrêter le grand public par exemple, et qui se concentrent sur le professionnel. Donc quand il y a des entreprises qui décident d'arrêter le grand public et qui laissent sur le bord de la route un certain nombre d'entrepreneurs, on les accueille. Je pense donc que le nombre de magasins dans la famille Mr.Bricolage va continuer de croître. Mais au-delà du nombre, ce qui m'intéresse vraiment est qu'on entre dans cette transversalité de marque sur l'ensemble des 1000 points de vente progressivement. Notre trajectoire est vraiment d'avoir trois expressions de la marque : le Mr.Bricolage que vous connaissez, Mr.Bricolage Relais, et puis une prise de parole de la marque dès la façade, une vitrophanie, pour dire « je suis membre de la famille Mr.Bricolage ». 

Z. H. : Ce marquage sur vitrine de l’appartenance à la famille Mr.Bricolage … est-ce nouveau ? 
C. M. : Oui, absolument Nous l’avons lancé en même temps que Relais avec peut-être plus de discrétion car il ne s’agit pas d’une enseigne, mais c’est nouveau et une façon d’entrer progressivement dans la famille de Mr.Bricolage. 

Z. H. : Quelle est la différence en termes d’obligations entre un magasin Mr.Bricolage et un Relais ? 
C. M. : La différence tient souvent à la nature du magasin. Quand vous êtes Mr.Bricolage « tout court », vous devez présenter une offre 100 % bricolage. Dans certaines zones rurales, des magasins proposent d’autres offres comme de l’électroménager, du libre-service agricole,un comptoir pro… Dans ce cas, il s’agit d’un Mr.Bricolage Relais. L’expression des services peut varier. Elle est croissante entre le statut de « famille Mr.Bricolage » et Mr.Bricolage, et le coût ne sera donc pas le même. Par exemple, nous fournirons à certains l’informatisation, à d’autres pas. 

Z. H. : La présence à l’étranger est-elle sur votre feuille de route ? Vous êtes présent avec une quarantaine de magasins en Belgique puis un ou deux magasins un peu partout… Est-ce une stratégie ? Est-ce que vous encouragez ? Est-ce qu'il y a un service étranger ? 
C. M. : Il y a une direction internationale et outre-mer qui est représentée depuis un an et demi au comité de direction en la personne de Laetitia Pinault, et nous avons pas mal de projets en cours sur l'international. Avec la Belgique notamment, où nous avons des équipes de talent. Nous raisonnons par pays bien sûr avec plus de 40 magasins mais sinon par zone d’investissement. On peut avoir un magasin dans un pays et un autre dans un autre pays limitrophe avec le même investisseur. C'est le cas, par exemple, avec notre partenaire présent en Côte d'Ivoire ou au Gabon et qui va ouvrir un autre pays avec nous. 

Z. H. : Est-ce que ces magasins en Afrique trouvent leur clientèle ? 
C. M. : Le magasin d’Abidjan fait plus de 5 M€ sur une surface qui est très courte en touchant toute la population, en capacité financière d’acheter chez nous car les prix sont même plus élevés que dans nos magasins français, compte tenu des coûts d'approche, des taxes à l'entrée, etc. Au fur et à mesure que le niveau de vie augmente, on peut ajouter des magasins. Donc cela n’est pas une vision à court terme, mais plutôt à long terme, et c'est intéressant pour nous. 

Z. H. : Ça rapporte quoi ? 
C. M. : Une part significative des résultats de la marque Mr.Bricolage. 

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Z. H. : vous associez vos adhérents à des ateliers, mais j’ai vu aussi que les clients étaient sollicités 
C. M. : Oui, le week-end il y avait 45 clients pour nos 45 ans qui ont passé la journée ici au siège à essayer les produits, discuter des offres. Il y a encore des aménagements de placards dans le couloir, là-bas, sur lesquels ils ont travaillé. Ils discutent avec nous, avec les chefs de produit qui sont là. Ils ont utilisé les tondeuses, toute la nouvelle gamme jardin sur batterie 20 volts. Certains viennent avec leur camping-car la veille, ils dorment sur le parking. Et franchement, c'est super intéressant. Ils sont de plus en plus impliqués dans ce que l'on fait. On leur a fait sélectionner des produits. Ils viennent au salon. 

Z. H. : Leroy Merlin développe le Home Index pour tracer l’impact social, carbone… environnemental des produits. Ils proposent aux enseignes concurrentes de les rejoindre. Est-ce que cela vous intéresse ? Que faites-vous aujourd’hui ? 
C. M. : D’abord, évitons l’hypocrisie : 60 % de l'offre qu'il y a dans tous les magasins de bricolage en France, pas chez nous, partout, vient d'Asie. Après, c’est difficile d’arguer du bilan carbone. 90 % du Scope 3 repose sur les fournisseurs sachant qu’on est exemplaire sur le bâtiment, les voitures électriques, tout ce qu'on veut. Le travail repose donc essentiellement sur des fournisseurs dont on réunit un panel au mois de mai sur ce sujet. 

Z. H. : Prenez-vous la parole sur ce sujet en magasin ? 

C. M. : Pas pour l’instant. 

Z. H. : Est-ce qu'il fait bon de travailler chez Mr.Bricolage ? 
C. M. : Nous avons recréé complètement le site de recrutement et tout le parcours d'intégration. Nous travaillons ce sujet capital en commission ressources humaines, avec des adhérents qui sont engagés pour tester un certain nombre de pratiques évolutives. Notre métier est très contraignant, avec les horaires d'ouverture, de fermeture, le samedi, le dimanche, parfois le lundi. Donc nous testons un certain nombre de dispositifs pour que nos collaborateurs en magasin puissent avoir un week-end, par exemple, toutes les trois ou quatre semaines, des tests de caisse avec d’autres horaires. Et franchement, on est plutôt satisfait de tout ça. Ici, au siège, nous pratiquons le télétravail, beaucoup de développement personnel avec la Fabrique du Papillon, des conférences retransmises pour les salariés de magasin qui le souhaitent. On a même différentes formes de coaching qui sont à disposition de nos salariés. 


Z. H. : Cela fait presque dix ans que vous dirigez Mr.Bricolage. De quoi êtes-vous le plus fier ? 
C. M. : Avoir toujours des projets ambitieux. 

Z. H. : Et de ce que vous avez réalisé dans le passé ? 
C. M. : Je ne regarde pas dans le rétroviseur, mais vers l’avenir. 

Z. H. : Résumeriez-vous cette enseigne en une phrase ? 
C. M. : Une offre de qualité en proximité. 

Z. H. : C’est l’anniversaire des 45 ans. Où sera Mr.Bricolage dans dix ans ? 
C. M. : Nous serons le premier réseau indépendant de proximité en France, avec une expression de marque uniforme sur l'ensemble du parc, avec une offre internet qui couvre là aussi l'ensemble des besoins du territoire de manière efficace. Je pense que c'est la boîte qui a le plus d'atouts aujourd'hui pour vivre bien les cinq-dix prochaines années. 

Président et DG, une histoire de confiance

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Paul Cassignol, Président Conseil de Surveillance Mr.Bricolage

Z. H. : Un nouveau président devrait être nommé au conseil de surveillance. On s’attend à ce que ce soit Didier Julien, en lieu et place de Paul Cassignol. Comment appréhendez-vous cette transition ? 
C. M. : La relation est passée par plusieurs phases. La première est celle du calage, qui est importante, parce que c'est un entrepreneur qui fait les choses par lui-même, comme tous les entrepreneurs. Donc il fallait qu'il ait confiance en moi et dans la capacité de réaliser des objectifs avec l’équipe. Mais la gestion de la dette financière nous a rapprochés, a solidifié notre relation. Après, effectivement, est arrivée une période de grande autonomie qu'il a pu me laisser sur le pilotage du groupe. Donc nous avons vécu neuf années de bonne collaboration. Quant à la suite, je ne la redoute pas parce qu'on a beaucoup de belles perspectives qui sont prêtes et que ce nouveau président amènera sûrement une dimension nouvelle. Sans doute passerons-nous par la même phase d'apprentissage, de découverte, de confiance, même si on se connaît déjà bien et qu’on ne se découvre pas comme avec Paul il y a neuf ans.

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