Made in France : les enseignes tentées par le brico cocorico

Pierre Dieuzeide
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Une table ronde a réuni début juillet des fabricants et plusieurs patrons d’enseignes sur le thème du Made in France dans le bricolage. Tous sont d’accord pour dire que le moment est venu de relocaliser … Pénuries et coûts logistiques rendent le brico tricolore compétitif, la loi Agec pousse aux circuits courts et les Français achètent patriote depuis le COvid … Allons enfants du bricolage !
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« Nos vrais enjeux autour de cette table, c’est de remettre la production en France ». Cette phrase est signée Raymond Tanguy, responsable chez E.Leclerc des achats brico jardin. Le ton est donné. Plus loin Christophe Mistou, DG de Mr Bricolage affirmera lors des débats organisés par Zepros lors des premières Rencontres de l'Habitat que « c’est le bon moment pour engager ce type de discussion entre industriels et distributeurs (relocaliser la production en France). Mais le distributeur seul n’y arrivera pas et probablement que l’industriel seul n’y arrivera pas non plus ». Christophe Batardière , co-président d’Espace Emeraude est dans la même vision en s’interrogeant : « est-ce que l’on ne pourrait pas, pour une certaine gamme de produits, se réunir, nous distributeurs, et aller voir nos fabricants français decomposants et de produits manufacturés, et leur dire: on a un projet à cinq ans, avec tel volume en face, et construisons l’avenir ensemble pour permettre cette relocalisation, notamment de produits électroniques ? "

Lilian Roussel qui dirige les achats et le marketing de Lamaison.fr est prudent : « il existe un problème sur la filière d’apprentissage en France qui n’existe plus ou qui est sinistrée. La difficulté des industriels sera dans les prochaines années de trouver de la main-d’oeuvre et de la payer au juste prix. Tant qu’on n’aura pas résolu cette équation, la volonté de relocaliser restera très compliquée."

De son côté Philippe Giovanni , DG d’iTM Equipement de la Maison, qui rappelle que nombre de marques propres du groupement sont fabriquées en France, met l’accent sur l’aspect RSE du sujet : « Ce made in France rentre dans une logique générale de démarche RSE, c’est vrai, et il y a une vraie prise de conscience de tout le monde. Être local aura un impact favorable sur l’environnement… "

A tous ces débats à retrouver sur Zepros Habitat n° 11, il faut ajouter les réponses point par point des fabr icants invités . Ainsi participaient à cette table ronde :

Les participants

•David Almeida,DG de Lifebox Security

•Christophe Batardière, co-président du groupe Espace Emeraude

•Charles Biltz,DG de Brennenstuhl France

•Pierre-Emmanuel Bois,délégué général d’Inoha

•Thierry François,directeur commercial de Henkel France

•Philippe Giovanni, DG de l’activité Bricolage du groupement des Mousquetaires

•Arnaud du Mesnil,DG de Lafuma Mobilier

•Christophe Mistou, DG de Mr Bricolage

•Boris Pierre, directeur de Dachser, branche DIY Europe

•David Riquier, président de Génération Brico et président Noyon & Thiebault

•Lilian Roussel,directeur Achats marketing pour lamaison.fr

•Raymond Tanguy,directeur des marchés Bricolage, Jardinage et Animalerie pour le mouvement Leclerc

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Ces arguments qui parlent en faveur du Made in France

On a fait nos comptes : dans une grande surface de bricolage, les produits «made in France » purs et durs doivent représenter moins de 8% du référencement. On n’est pas dans l’univers alimentaire et ses AOP, encore moins dans le luxe, ou même le jardin qui produit localement. Depuis des dizaines d’années, les GSB ont fait assaut d’imports de produits asiatiques. Concurrence impitoyable, massification à outrance… «Défense du pouvoir d’achat des bricoleurs français», répondaient les distributeurs qui rappelaient que les premiers à avoir sourcé en Chine n’étaient autres que les fabricants français eux-mêmes. Qu’importe après tout de savoir ce qui s’est passé! Comme le dit Raymond Tanguy (Galec) dans ce journal, «on s’est réveillé un matin et toute la production était partie en Chine». Oui, et alors ? Après tout on pourrait continuer comme ça… Sauf que plusieurs phénomènes se déroulent actuellement:

La crise sanitaire a aiguisé l’appétit du consommateur pour l’achat patriote. À force de voir que la France avait perdu son autonomie médicale… il s’est passé quelque chose pour les autres familles de produits. Éric Bonnet, Directeur de l’agence Insign, l’explique bien dans ce dossier, lui qui a sondé les consommateurs ces derniers mois. Le nouveau Made in France « n’a rien à voir ce made in France assez stéréotypé du savoir-faire, du luxe, de la qualité… Ce n’est pas non plus un truc de communicant pour les bobos parisiens. Le made in France d’aujourd’hui, c’est le patriotisme économique, soutenir les entreprises, le travail local, l’emploi, ce qui correspond aux attentes actuelles que sont la RSE, la proximité, l’environnement… la marque employeur… » 81% des Français affirment qu’ils pourraient acheter moins de produits en quantité pour acheter un produit fabriqué en France (source Opinion Way-Insign).

• La pénurie et l’inflation du coût logistique. Les containers sont tellement chers que la production française redeviendrait concurrentielle… si toutefois elle existait, car beaucoup de productions et de savoir-faire ont été perdus. Il n’en reste pas moins que des fabricants relocalisent comme Charles Biltz (Brennensthul) : « Oui, nous avons pris la décision la semaine dernière de refabriquer un certain nombre de produits supplémentaires en France parce que cela nous coûtera moins cher que si nous les faisions venir de Chine, le composant le plus cher étant devenu la logistique… avec des containers à 14000 $ voire 30000 $!

Troisième phénomène: l’arrivée de la loi AGEC avec la création d’une filière Brico Jardin de la responsabilité élargie du producteur (REP). Autant dire que si les produits des GSB doivent être durables, réparables par la loi… des fabricants français comme Lafuma et son directeur Arnaud Dumesnil se frottent les mains: le glas sonnerait pour l’import. Mais ces premières Rencontres de l’habitat où nous avons eu le plaisir de recevoir fabricants et distributeurs ont démontré que tout n’était pas si simple. Si le moment plaide pour un Brico Cococorico… la situation reste fragile et les Français pourraient regretter le bon temps des perceuses ou tondeuses à petit prix. Par ailleurs, comment redéclencher une production en France? Nos invités sont d’accord pour initier un mouvement demandant l’aide de l’État. Et puis il reste une question fondamentale : comment vendre le « made in France »? Des French days? Voici 10 pages pour répondre à toutes ces questions!

Retrouvez l'intégralité de la table Ronde Made in France ici

Pascale Benhaiem-Komlos et Pierre Dieuzeide

Pierre Dieuzeide
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