Tout ce que vous n’avez jamais osé demander sur... la médecine du travail
Depuis la crise sanitaire, les employeurs ont dû enfiler leur blouse blanche : contrôle de la température, des vaccins, du pass, du port du masque... on leur demande de se faire les alliés de la lutte contre le Covid-19. Dans ce contexte, il est d’autant plus important de bien connaître ses droits et devoirs en matière de médecine du travail ! On fait le point...
En pratique, en tant qu’employeur, il vous faut adhérer à un service de santé au travail – c’est obligatoire, au cas contraire l’Inspection du travail peut être contactée pour un non-respect du droit du travail. Ce service fera réaliser des examens médicaux à chacun de vos salariés, à des périodes bien définies : à l’embauche, à la reprise du travail après des congés pour raisons de santé, et au minimum tous les cinq ans.
Tous les salariés de l’entreprise doivent pouvoir en bénéficier, et le patron aussi ! Et ceci quelle que soit la taille de l’en- treprise. En revanche, les collaborateurs non salariés ne sont généralement pas concernés.
Son rôle est d’abord, et essentiellement, préventif. Il veille à « éviter toute altération de la santé physique et mentale des travailleurs du fait de leur travail ». Pour cela, il doit rencontrer le salarié plusieurs fois au cours de son parcours professionnel, surveiller sa santé en fonction de son âge et de ses conditions de travail, supprimer ou minimiser les facteurs de risque. Il a aussi un rôle de conseil auprès des employeurs et des représentants du personnel. Enfin, il établit une fiche d’entreprise, transmise à l’employeur, dans laquelle figurent les risques professionnels, et un rapport annuel de son activité, transmis notamment au comité d’entreprise (CE) et à l’employeur. Le salarié peut demander à son CE que ce rapport lui soit transmis.
Pas le généraliste du coin ! Ce n’est pas le salarié qui choisit, et pas non plus l’employeur – celui-ci est seulement chargé d’organiser la médecine du travail dans son entreprise, sous la surveillance des représentants du personnel et le contrôle des services du ministère de l’Emploi, du Travail et de la Cohésion sociale. Recruté par un service de santé au travail, c’est un praticien indépendant. Il peut également s’agir, non d’un « vrai » médecin, mais d’un interne ou d’un infirmier qui exerce sous l’autorité du médecin du travail. Celui-ci peut en effet avoir le statut de « collaborateur médecin », créé par le décret du 30 janvier 2012 pour remédier à la pénurie de médecins du travail.
Plus vraiment ! En effet, depuis le 1er janvier 2017, la visite médicale d’embauche a été remplacée par une «visite d’information et de prévention », en application de la loi El Khomri du 8 août 2016. Le médecin, ou plus fréquemment le « collaborateur médecin », va seulement interroger le salarié sur son état de santé, établir si celui-ci ou les risques encourus par le salarié nécessitent l’intervention du médecin du travail, et informer le salarié de son droit à bénéficier d’une « vraie » visite médicale. Cette première visite d’information et de prévention doit impérativement avoir lieu avant la fin de la période d’essai, soit dans un délai de trois mois après la prise de fonction. Pour certains salariés, comme ceux qui vont travailler de nuit ou qui ont moins de dix-huit ans, il faut obligatoirement réaliser la visite avant l’embauche. De même pour ceux qui seraient exposés aux « agents biologiques du groupe 2 » ou « exposés à des champs électromagnétiques ». Pour toutes ces personnes, la visite d’information et de prévention est remplacée par un examen médical d’aptitude, similaire à l’ancienne version de la visite médicale d’embauche.
Passée cette première visite, chaque salarié devra retourner voir un professionnel de santé (pas forcément médecin) dans un délai maximal de cinq ans, pour une visite dans les mêmes conditions (pas d’examen médical, sauf à la demande du salarié.) Ce délai est ramené à trois ans pour les travailleurs handicapés ou les travailleurs titulaires d’une pension d’invalidité. Ceux qui assument des postes à risques (travail de nuit, exposition à l’amiante, au plomb, à des agents cancérigènes...) ont un suivi renforcé, puisqu’ils doivent renouveler la visite d’embauche dans les deux ans, puis avoir une vraie visite médicale avec un médecin du travail dans les quatre ans (article R4624-28 du Code du travail). Certaines circonstances peuvent également occasionner de nouvelles visites : une période longue d’arrêt maladie (trente jours au moins) ou retour d’un congé maternité. La visite doit alors avoir lieu dans les huit jours suivant la reprise.
Le médecin peut déclarer votre salarié « inapte ». Mais plus fréquemment, s’il a des réserves, il commencera par préconiser une adaptation du poste de travail. Il devra l’informer des risques potentiels liés à son poste et, le cas échéant, le sensibiliser aux moyens de prévention à mettre en œuvre. Si cela ne suffit pas, il devra organiser une concertation et des échanges avec le travailleur et l’employeur, effectuer un examen médical mais aussi une étude de poste et des conditions de travail, éventuellement préconiser un second examen du salarié, dans un délai de quinze jours au maximum, pour « rassembler les éléments permettant de motiver sa décision ».
Pas sans bonne justification ! Lorsque le médecin du travail a formulé des propositions d’aménagement, d’adaptation ou de transformation du poste de travail occupé, l’employeur est tenu de les prendre en considération et, en cas de refus, de faire connaître ses motifs (C. trav., art. L. 4624-1).
Non, vous êtes d’abord tenu de le reclasser : que l’inaptitude soit partielle ou totale, l’employeur dispose d’un mois pour rechercher ou aménager un poste adapté aux capacités physiques du salarié, dans l’entreprise ou dans le groupe auquel il appartient. La loi Rebsamen de 2015 a un peu assoupli cette obligation : « Si un salarié est déclaré inapte et que le médecin du travail précise clairement que ce salarié ne peut pas rester dans l’entreprise sous peine de risque pour sa santé, l’employeur peut rompre le contrat de travail sans possibilité de reclassement. » Attention, quand l’inaptitude est le résultat d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, les délégués du personnel doivent être consultés sur les démarches de reclassement... Si vous l’oubliez, vous devrez payer des dommages-intérêts au moins égaux à douze mois de salaire !
Oui, il a le droit de rencontrer le médecin du travail à tout moment, sur de- mande, de même que vous pouvez également, en tant qu’employeur, demander une nouvelle visite. Car les visites médicales rendues obligatoires par le Code du travail ne constituent qu’un minimum.
Oui, il bénéficie d’une autorisation d’absence, pour le suivi médical classique comme pour les rendez-vous de vaccination contre le Covid-19. Ces absences ne doivent entraîner aucune diminution de la rémunération.
Non, sauf s’il a déjà effectué une visite d’information et de prévention dans les cinq ans auparavant, ou, dans les trois ans pour ceux qui bénéfi- cient d’un suivi individuel renforcé. Il peut alors bénéficier d’une dispense, sinon son refus constitue une faute pouvant justifier une sanction. L’employeur peut interdire au salarié de reprendre son travail et, par voie de conséquence, refuser de lui payer les salaires correspondants (Cass. soc., 26 mai 1983, n° 81-40.764). Dans certains cas, cela peut même justifier un licenciement pour faute grave (Cass. soc., 18 oct. 1989, n° 87-42.280).
Oui, vous devez avoir connaissance de toutes les visites, même celles demandées par le médecin du travail (il en a le droit) ou par le salarié (il doit vous en avertir au préalable). Une copie des avis et attestations vous est systématiquement remise.
Non, il vous est strictement interdit de vous en enquérir, directement ou indirectement ! Vous pouvez seulement avoir connaissance de son aptitude ou non à occuper son poste. Comme les autres médecins, celui du travail est tenu par le secret médical et applique strictement les règles déontologiques : en aucun cas il ne peut transmettre une information médicale concernant le salarié à son employeur, ou à toute autre personne. De plus, le travailleur peut aussi s’opposer à ce que le médecin du travail vous informe de ses recommandations concernant, par exemple, l’aménagement de son poste.
Le médecin du travail, un allié face au Covid
Si l’un de vos salariés présente des symptômes de Covid-19 (fièvre et/ou toux, difficulté respiratoire, à parler ou à avaler, perte du goût ou de l’odorat), vous pouvez consulter le médecin du travail. Il pourra vous accompagner sur les mesures de prévention à mettre en place, qu’il s’agisse de l’isolement d’un salarié symptomatique ou de l’identification des cas contacts au sein de votre entreprise. Par ailleurs, dans le contexte actuel, il dispose de compétences élargies et peut vacciner les salariés volontaires, sans engendrer de charge financière supplémentaire pour l’employeur.