Table Ronde MDD #Episode 4 : communication et environnement, un traitement spécial !

Pierre Dieuzeide
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Voici le chapitre  de notre table ronde sur les MDD  où nos distributeurs et fabricants  ont débattu  sur la manière de communiquer avec des MDD (Parkside étant le modèle)  sans oublier un thème majeur : peut-on réaliser une MDD éco sourcée  sachant que la plupart sont achetées en Chine.  ENfin les invités se sont penchés sur les limites de la MDD

 

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Rappel du principe Rassemblés au Coeur Sacré au pied de Montmartre le  4 décembre 2024, les spécialistes de la la marque propre de Truffaut, Teract, Brico Dépôt, Brico Leclerc et ITM Equipement de la Maison  ont débattu des ingrédients essentiels d'une bonne MDD. Ils avaient pour les aiguillonner Caroline Bonhomme de Henkel, Franck Mauxion de Compo sans oublier le pape de la marque propre : Jean-Paul Constant créateur d'un certain nombre de marques de Décathlon dont la plus connue Quechua. 

Environnement : Une Marque propre peut-elle être ...propre ?

On a parlé des prix mesurés, certains ont évoqué la Chine. Une MDD peut-elle respecter l'environnement ? Sachant qu’on l’importe du diable vauvert pour tenir les prix et que son voyage abîme son bilan carbone... Après se pose la question de l’organisme qui attribue les notes. Est-ce que le distributeur s’auto-attribue les notes ? Les distributeurs, avec les MDD, passent dans la catégorie fabricants et donc voient leur responsabilité élargie (REP), sans parler de la réparabilité..


Franck Mauxion : C’est la stratégie d'entreprise qui prime. Chez Compo, nous avons une gouvernance verte. Donc, si nous produisons une MDD, ce n'est pas qu'elle peut être verte, c'est qu'elle doit être verte. Elle ne viendra pas de Chine. Les MDD que nous fabriquons sont alignées avec ces exigences et accompagnent nos clients dans leur démarches vertes et responsables, et leurs indicateurs.

ZH :  Caroline vous parliez précédemment de MDD qui étaient dans le greenwashing… aucuen en peut donc être « verte »

Caroline Bonhomme : Je pense qu'une MDD peut répondre à des critères de respect de l'environnement, mais l'enjeu est de trouver le bon équilibre financier. Parce que, bien souvent, respecter l'environnement coûte cher. Nous avons supprimé le plastique de nos emballages au profit du carton, ça coûte plus cher. Donc, oui, réaliser des MDD qui respectent l’environnement est possible, mais sans augmenter les prix, cela se traduira par des sacrifices de marge.

ZH : Est-ce que vous êtes prêts à faire ces sacrifices, Sylvia ? Sachant que chez vous, comme chez tout le monde, les MDD outillages viennent de loin … ?

Sylvia Lopez : Ce n’est pas seulement un débat de MDD, mais un débat de marques au sens large. Certes, il y a le transport et la production, mais il y a aussi l'usage du produit. Il est parfois surprenant de découvrir que le bilan carbone est plus lié à l'usage du produit qu'à tout ce qui est en amont. 

ZH : Par exemple ?

Raymond Tanguy : Par exemple, l'ampoule. La décarbonation sera plus importante si on agit sur son usage, plutôt que sur sa fabrication. Peu importe qu’elle vienne de l'autre côté de la planète.

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Sylvia Lopez (Brico Dépôt) entre Serge Briet (Truffaut) et Frédéric Fouju (ITM EM)



Sylvia Lopez : L’environnement doit être une préoccupation de l'industriel et du distributeur, bien sûr, mais également du consommateur. Sans cette prise de conscience globale, ça restera des vœux pieux. Notre sujet est bien là.

ZH :  Donc il faut louer des perceuses ?

Sylvia Lopez : Oui, mais cette économie circulaire est seulement une partie de réponse, car celle-ci ne peut être uniforme.


ZH : Thierry Garnier nous a annoncé l’arrivée de la Green Star ; qui marquera les produits vertueux. Alors, est ce que les MDD Kingfisher seront Green star obligatoirement ?

Sylvia Lopez : Non. Tous les produits ne peuvent pas obtenir cette étoile. Cette green star est tout sauf du greenwashing. Notre volonté est que le gain proposé par le produit soit quantifiable, que nous soyons en capacité de mesurer  soit une économie d'eau dans le cas d’un mitigeur, soit une économie d'énergie pour des ampoules, etc. En affichant cette volonté, nous nous mettons des barrières et tous les produits aujourd'hui, ne peuvent pas afficher ce genre de label.

ZH : C’est en ligne avec ce que nous a déclaré Thierry Garnier qui voulait à tout prix éviter des notes aux produits, car elles sont selon lui plus exposées à des procès pour greenwashing notamment Outre-Manche, qu’une Green Star.

Sylvia Lopez : Oui, et ces procès ont un effet dévastateur. Heureusement, en France, nous avons la DDPP (Direction départementale de la protection des populations) qui apporte un peu de clarification au milieu des diverses allégations de ceux qui veulent le produit qui lave plus blanc que blanc. Bien sûr, tout le monde a envie que tous nos produits soient respectueux de l'environnement, mais ce n'est pas faisable partout dans des prix acceptables par nos clients. Car si 99 % des Français veulent des produits plus verts, ils ne sont, je crois, qu’à peine 20 % prêts à payer 5 à 10 % de plus que pour un produit « normal ».

ZH. Chez Truffaut, quelle est votre politique en matière de MDD et d'environnement ? 

Serge Briet : Nous sommes, comme vous le savez, B Corp, ce qui nous oblige. Bien sûr, nos MDD doivent être respectueuses de l’environnement.  Nous privilégions l’achat français et local, bien entendu, puis nous proposons un cahier des charges exigeant aux fournisseurs. Quant à l’origine de certaines gammes, il est vrai que la Chine n’est pas idéale en matière de bilan carbone, mais on a vu pire, en Europe de l’Est notamment. Encore une fois, la qualité environnementale d’un produit dépend moins de sa provenance que du cahier des charges qu’on a construit.

ZH : On comprend donc que le client doit avoir une confiance naturelle en Truffaut qui est Bcorp. Quid chez Teract ? Est-ce qu’Ecloz respecte une charte ? Est-ce que les produits sont exotiques ? 

Stéphane Le Tellier : Impossible d’écarter le sujet de l’environnement. D’abord, nous avons tous une dette environnementale. Ensuite, d'un point de vue réglementaire, nous serons de plus en plus sanctionnés par des taxes, qu'on le veuille ou non. Comme dans le cas extrême de l’automobile. Si nous ne traitons pas le sujet, même pour nos marques, elles seront dé-positionnées en prix via des taxes. Or, le prix est essentiel pour une marque propre. Après, chacun y va avec sa façon, son label, etc. Le groupe In Vivo est une Société à Mission, et côté en Bourse, cela nous engage. Nous nous sommes fixé un objectif élevé de 80 % de produits marques propres à impact positif. Aujourd’hui nous sommes à 60 %. 

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Stéphane Le Tellier (Teract)

ZH Qui mesure l’impact positif de vos produits ?

Stéphane Le Tellier : Jusqu'à maintenant, nous nous étions auto-notés. Mais nous développons avec un organisme certifié une notation externe. Nous travaillons aussi avec des gens comme ECOVADIS, etc.  Nous progressons sur ce sujet environnemental, même si nous n’atteindrons pas 100 %, car le client ne suit pas toujours. Je repense à une femme de ménage dans des bureaux qui prenait les poubelles triées et les rassemblait dans un même sac. Elle m’a expliqué que c’était plus facile à descendre…


ZH : Et oui, c’est ça aussi l’usage !

Stéphane Le Tellier : Voilà ! Vous savez, moi, je suis mandataire social sur la société qui fabrique toutes les marques propres. La DGCCRF ou la DDPP viennent à peu près trois fois par semaine dans mes bureaux. Nous avons tout intérêt à bien faire les choses. Pour autant, tout contrôler est compliqué. Sans compter que les critères d’environnement sont difficiles à lire pour le client, il y a tellement de labels et de façons de les interpréter.



 

MDD : existe-t-il une méthode particulière pour communiquer sur ses propres marques ?


ZH : Comment communiquer ? Vous avez parlé du cas Parkside (Lidl), qui est un modèle du genre 

Jean-Paul Constant : Moi j'adore Lidl, je suis complètement d'accord, je trouve qu'ils ont une stratégie d'une subtilité incroyable, qui est d'ailleurs très bien résumée dans leur baseline « le vrai prix des bonnes choses ». Ils sont très bons et les résultats de Lidl sont là pour le prouver, le client vote Lidl.

ZH : Il paraît qu'ils produisent plus d'un million de pièces par an en France en outillage.

Raymond Tanguy : ils sont les premiers vendeurs d’outillage en Europe !

Sylvia Lopez : J'ai une analyse un peu différente… Si on regarde à nouveau dans le rétroviseur. Quand ils ont lancé Parkside, il n'y avait ni pub télé, ni Schwarzenegger. Ce qui a fait le succès au départ de Parkside et cette montée en flèche, c'est vraiment les communautés d'utilisateurs qu'ils ont réussi à mobiliser et ce bouche-à-oreille qu'ils ont réussi à créer. Et ça, c'est remarquable, parce que, je schématise, mais c'est une communication qui coûte peu cher. Et pour aller encore plus loin aujourd'hui, c'est le buzz autour de tout ce qui tourne autour de la marque Lidl, y compris les chaussettes, les sneakers, les pulls de Noël. Il y a là quelque chose qui dépasse le simple travail d'un distributeur. On a des communautés, des collectionneurs. C'est quand même extraordinaire .
 

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Patrick Glémas (journaliste)


Patrick Glémas : Elle fait rêver, surtout.

Sylvia Lopez : Elle fait rêver. Elle crée un attachement fort avec un client qui n'est pas forcément un client de l'enseigne, mais qui va la chercher parce qu'elle est fun, moderne, et porteuse de sens, et qu'elle fait écho.

ZH : Elle est décomplexée.

Sylvia Lopez : …, avec une tonalité humoristique dans sa communication. Tout ça crée un écosystème hyper intéressant d'un point de vue communication et marketing.

ZH : Ce qui est intéressant aussi, c'est qu'au tout début, Lidl, Parkside, a sorti des produits plutôt pros, enfin d'outillage pro, il y avait un produit pour souder, des produits à découpe plasma

Sylvia Lopez : Il y avait la fameuse défonceuse. Un produit qu’on vendait peu. Et au moment où Lidl a communiqué sur la défonceuse, tout le monde est venu nous en demander ! Lidl a créé un marché de masse sur un marché qui était de niche. Et c'est là que ça fait tout l'écho et que leur stratégie est différenciante.

ZH :  Quand une enseigne communique sur une marque, il y a une aide de la marque en général. Là, c'est vous qui payez… Est-ce que vous communiquez sur votre marque ?

Sylvia Lopez : Pour être réussie et performante, une MDD doit jouer avec les mêmes armes qu'une marque nationale. Et dans ces armes, il y a la communication et le marketing, qui doivent être embarqués dès la conception de la MDD. Elle doit avoir son positionnement prix, mais aussi un positionnement de communication, avec une tonalité. J'ai envie de dire quoi autour de ma marque et de mon produit ? J'ai envie qu'il soit hyper consacré au professionnel ou beaucoup plus grand public ? Tout ça doit être embarqué, doit faire partie de nos coûts.

ZH Est-ce que vous faites le rapprochement entre votre marque et votre enseigne dans votre communication ?... Du « Titan by Brico Dépôt » ?

Sylvia Lopez : … On se pose souvent la question. On est presque dans du co-branding, comme on pourrait l'associer d'autres façons, mais c’est un vrai sujet. Certaines de nos MDD ont plus de notoriété que notre enseigne, et vice-versa. Typiquement, certaines personnes n’associent pas Magnusson à Brico Dépôt alors que Magnusson a été créée par Brico Dépôt. Voire même, lors d’études de notoriété, certains de nos clients pensent que c'est une marque nationale. 

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Frédéric Fouju (ITM EM)

Z. H. : Sur ITM, est-ce qu'il y a une communication ? Vous travaillez sur vos six marques, mais est-ce qu'à terme, on pourrait imaginer que vous, dans ce travail, vous prévoyez une communication ? Comme Parkside ?

Frédéric Fouju : Chez nous, ce sont nos enseignes qui communiquent. Après, par exemple cette année, je crois que vous l'avez tous vu (rire), c'était les 30 ans de notre marque de peinture Nuance. Pour développer la notoriété de notre marque nous nous sommes appuyés sur des influenceurs, sur Instagram notamment, qui ont mis en œuvre des projets peinture, déco ou relooking de meuble avec nos produits Nuance. Donc voilà, on peut, ponctuellement, mettre en avant nos marques de cette façon, mais ça passe toujours par le prisme de nos enseignes, c'est-à-dire « Nuance chez Bricomarché » ou « Nuance chez Bricorama .

ZH : Sans forcément créer des magasins éponymes, comme Naterial.?

Stéphane Le Tellier : Pour le moment, nous sommes dans la même ligne qu’Intermarché. C'est l'enseigne qui communique, et après la marque. C'est un parti pris d'entreprise. Nous avons déjà quelques enseignes à faire vivre ! Et je le redis : nous, on n'est pas produit de marque, on est marque de produit. Nous faisons plus parler le produit que la marque. Et puis, en toute humilité, nous n’avons pas aujourd’hui des marques suffisamment reconnues et fortes pour, je pense, pouvoir le faire. Donc non, pas tout de suite.

ZH : Chez Teract il y a « In Vivo nous on sème », chez Truffaut il y a des produits Truffaut c’est engageant, voire dangereux en cas de problème. Quels sont les produits qui portent la marque ? 

Serge Briet : Beaucoup de végétal, mais aussi du manufacturé, sur le jardin ou sur la maison. Sur l'animalerie, nous avons les marques Empreinte ou Truffy, pour le saisonnier, on a la marque Brighton.

ZH : et sur le danger de porter la marque de l’enseigne ou du groupe ?

Stéphane Le Tellier : Je pense que la e-réputation est toujours en jeu, quelle que soit la marque apposée. Aujourd'hui, même si on n'écrit pas Truffaut sur sa marque, le rapprochement sera vite fait par tous. Dès lors, on ne va pas se cacher en disant non ce n'est pas la marque Truffaut ou la marque Teract qui est mise en avant parce que ce n'est pas écrit directement. Pour moi, il n'y a pas d'écart par rapport à ça, le risque est le même. 


 

Les limites de la MDD

Guillaume Mulleret (GfK/NielseniQ) nous présente un tableau  montrant les produits où la MDD domine et les produits peu pénétrés par les marques propres dans les secteurs bricolage et jardin

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Guillaume Mulleret (GfK / Nielsen IQ) avec à sa gauche Adrian Lacoste, KAM Retail chez GfK,


ZH : Il y a des secteurs ou des cibles sur lesquels la MDD se casse les dents Raymond Tanguy , à la lecture des chiffres des MDD par catégories , comment réagissez vous ?

Raymond Tanguy : je note en effet que la famille « petite domotique » accueille peu de MDD mais c’est assez logique car c’est une des familles où les technologies avancent si rapidement autant s’appuyer sur les industriels 

ZH Est-ce que la cible pro n’est pas une limite aussi pour la MDD ?

Caroline Bonhomme : En fait, la distribution pro, a du retard sur l'offre MDD qu’elle tente de combler . Le niveau de part de marché MDD dans les réseaux PRO, n’atteindra jamais le niveau tel qu’il est aujourd’hui dans le retail. L'utilisateur pro, est hyper fidèle aux marques qu'il utilise. Déjà pour le convertir d'une marque nationale à une autre, c'est extrêmement compliqué. Mais alors d'une marque nationale à une MDD, c'est un sacré défi. 

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Caroline Bonhomme (Henkel)

ZH On a connu aussi des artisans qui allaient chez Brico-Dépôt pour acheter des produits par chantier. 


Raymond Tanguy Absolument, vous avez raison, il y a beaucoup d'artisans qui achètent du produit one shot, de la MDD juste pour le chantier, au lieu d'acheter du produit haut de gamme, comme du Makita. Mais Il y a une autre particularité dans le monde du négoce, disons les choses comme elles sont, pour garder leurs artisans, les marques nationales les achètent : des marques emblématiques récompensent fortement la fidélité des artisans. Donc passer sur une MDD, ça va être compliqué.

Sylvia Lopez : Il y a différentes réalités chez les pros Par exemple, sur certains gros chantiers il y avait pas mal de vols, et certains achetaient donc du « matériel jetable » passez-moi l’expression. Mais aujourd’hui cette tendance s’essouffle et le professionnel recherche avant tout fiabilité parce que sa réputation est en jeu . Et là, il est fidèle que la marque soit nationale ou une marque de distributeurs comme Erbauer chez nous, qui a tout de suite séduit les pros, les EGB de taille moyenne. Pourquoi ? Pour sa fiabilité et le stock disponible. D’ailleurs il y a une autre MDD qui échappe aux études GFK mais qui rencontre un grand succès chez les pros c’est la cuisine.



 

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Pierre Dieuzeide
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