Le bricolage épargné par la crise ? Le débat ! Spécial Table Ronde #2
Le moral des Français au plus bas mais le brico jardin serait moins visé par les restrictions que les consommateurs vont s'imposer. Voilà ce qui ressort d'une étude GfK. Qu'en pensent les responsables de la relation client des principales enseignes de bricolage réunis dans notre Table Ronde ? Pas toujours d'accord...
Quelles dépenses allez-vous réduire en premier en fin d'année 2023 ?
Les participants à notre Table Ronde sur la Relation client :
De gauche à droite: Céline Zuliani (responsable expérience client Castorama), François Chardon (directeur marketing digital ITM EM), Marlène Berger (directrice générale Vasano),
Bertrand Kinche (directeur commercial Odrea), Caroline Bonhomme (directrice marketing Henkel), Raymond Tanguy (directeur Galec brico jardin), Paul de Basquiat (leader expérience
client Leroy Merlin), Pierre Dieuzeide, Anne Leguillier, Laurent Feneau(Zepros Habitat).
Zepros Habitat :Une étude proposée par GfK sonde le moral des Français en cette fin d’année. On y trouve entre autres un moral dans les chaussettes et 37% des Français qui pensaient qu’en décembre ils auraient des difficultés à vivre décemment. L’inflation reste leur souci numéro un mais le brico et le jardin sont les items sur lesquels ils pratiqueront le moins de renoncement. Autour de la table, vous étudiez vos consommateurs via des NPS et autres études de satisfaction… Est-ce que ce moral bas ou cette préoccupation des prix ressortent de vos tablettes?
Céline Zuliani (Castorama): Oui, et ce n’est pas nouveau. La problématique inflationniste est installée depuis plusieurs mois. Tous les points mentionnés dans l’étude GfK au niveau du comportement des consommateurs sont confirmés par ce que nous observons sur le terrain et au travers d’études très à chaud, réalisées post-achat, où l’on va retrouver de manière très concrète et opérationnelle des thématiques plus récurrentes autour du prix et de la promotion.
Zepros Habitat : Caroline Bonhomme, est-ce que vous ressentez cela aussi sur vos études consommateurs?
Caroline Bonhomme (Henkel): Effectivement, il y a une recherche de prix sur 2023, même sur des produits à valeur faciale pas très élevés comme les nôtres. On note également un regain des parts de marché des marques distributeurs. À côté de ça, on a la chance de vendre des colles et on surfe vraiment sur les besoins des consommateurs de redonner une seconde vie aux objets, de ne pas jeter mais plutôt de réparer. Ce qui, au final, porte plutôt nos marchés. De la même façon, on vend des produits qui permettent de rendre plus saines les maisons, avec des absorbeurs d’humidité, des mousses polyuréthane, etc., qui peuvent répondre aux préoccupations plus RSE de consommateurs.
Zepros Habitat : François Chardon, ressentez vous les effets de l’inflation chez ITM EM?
François Chardon (ITM) : Au-delà des études… oui, on ressent une forte baisse du panier moyen, avec pourtant des quantités qui augmentent, donc plutôt une recherche de prix. Sur un trafic baissier, on note également un certain nombre de “repeat”, donc plus de questionnement chez le consommateur. Par ailleurs, nous observons que le CA porté par les porteurs de carte avec cagnottage est plus important. n Je sais que Monsieur Cotillard regarde les paniers de près…
François Chardon (ITM): Je ne vais pas le dédire [rires].
Zepros Habitat : Qu’en pense Raymond Tanguy… qui ne connaît peut-être pas Monsieur Cotillard?
Raymond Tanguy (Leclerc): Non … Moi je connais Michel-Édouard Leclerc.
Zepros Habitat : C’est pas mal non plus [rires]!
Raymond Tanguy : On a constaté deux tendances depuis le début de l’année. La première – et c’est ce qui a déjà été cité –, c’est que nos consommateurs n’ont pas voulu se restreindre mais ont plutôt descendu de gamme. C’est la raison pour laquelle ils se sont plutôt tournés vers les marques de distributeurs, tout en conservant l’envie de consommer. Nous observons une deuxième tendance plus récente, qui voit le consommateur se restreindre, voire même ne plus consommer par rapport à ce dont il a besoin. Notamment sur la partie alimentaire qui est, pour nous, comme un signal d’alerte, qui après se déverse sur nos magasins spécialisés. Je suis assez sceptique sur une partie de l’étude GfK qui montre a priori que les Français sont prêts à se restreindre sur les restaurants, les voyages, les vacances, etc., car d’un côté on note le recul du CA brico dans les résultats actuels (FMB/Inoha) et de l’autre l’enseigne E.Leclerc Voyages a retrouvé une activité supérieure d’avant Covid.
Bertrand Kinche (Odrea) : Je suis d’accord avec Raymond Tanguy: les loisirs et les voyages sont plutôt des activités privilégiées par les Français en ce moment. Nous le constatons régulièrement: lors des implantations en magasin, il y a habituellement beaucoup plus de mouvements… Là, en ce moment, force est de constater que c’est beaucoup plus calme. Et pour conclure, nous également constatons une forte progression des MDD comparé à nos marques nationales.
Zepros Habitat : Paul, chez Leroy Merlin, des signes de tension sur les prix?
Paul de Basquiat (Leroy Merlin): Oui, je suis d’accord avec tout ce qui a été dit. J’ai effectivement quelques doutes sur les arbitrages qui se feraient en faveur du bricolage et en défaveur des loisirs, des voyages et de la restauration. Ce n’est pas ce qu’on constate chez Leroy Merlin. Mais – et on l’observe dans les retours de nos clients – ils nous sanctionnent beaucoup plus fortement dès lors qu’on leur fait vivre ce qu’on appelle un “déplacement inutile”. Si on lui fait dépenser de l’argent, de l’essence, du temps et de l’énergie alors que l’expérience n’est pas au rendez-vous, on est tout de suite sanctionné dans les retours de nos clients. On l’identifie d’abord comme un signal faible et, en lisant un certain nombre de commentaires clients, on en fait un sujet de focus. Ce qui est bien légitime et encore plus pour nos clients qui se déplacent sur plusieurs dizaines de kilomètres. On doit être super-vigilants et éviter totalement ces visites inutiles l
* N.D.L.R.: plus tard, GfK nous expliquera que le brico et le jardin peuvent être en queue des «privations» des Français tout simplement parce que ces dépenses ne leurs viennent pas ou peu à l’esprit. Ils ne déclarent pas s’en priver car ils n’y pensent pas.