Laurent Pussat : " la franchise est une arme de développement pour les Mousquetaires du Brico "
Révolution ! Le sacro-saint tiers-temps de l'adhérent n'est plus le seul modèle pour devenir Mousquetaires ! ITM accueille le bretteur franchisé. Il aura le même chapeau, les mêmes plumes mais la bourse peut-être un peu moins remplie. Il pourra porter le blason Brico Cash, Bricomarché ou Bricorama... Pour gagner la guerre du commerce brico jardin, ITM avait-il le choix ? Réponse du Président Laurent Pussat... en toute franchise
Vous avez achevé l’intégration de Bricorama qu’est-ce qu cela vous a apporté ?
C’était en 2018 , cela paraît loin . Nous avons cédé tous nos Bricorama à des adhérents, certains laissés en franchise, on a rapproché les deux sièges, et nous avons malheureusement été amenés à en fermer quelques-uns. Je dis malheureusement, parce que c'est toujours un échec,
Et vous en avez fermé combien ?
Onze au début et 5 en cours de fermeture
Quid des 34 franchisés qui restent ? Ce n’est pas votre modèle
C’est vrai, historiquement, le modèle Mousquetaires, ce sont des chefs d'entreprises indépendants qui ont eu l'intelligence de mettre une partie de leur indépendance dans leur poche, pour être plus interdépendants, plus performants ensemble. Historiquement, notre modèle est fait pour ce que l’on appelle les primo-accédants. Comme je l’ai été avec ma femme Annie : nous avons vendu notre maison et puis on a tout mis pour devenir adhérents mousquetaires. Ça c'est le modèle historique. Sauf que dans la vie des entreprises du bricolage, il n'y a pas que des primo-accédants. Il y a des entrepreneurs, de très bons entrepreneurs, qui sont sous des enseignes Bricorama. Aujourd'hui, à date, on en a quand même 34 franchisées, Bricorama.
Vous voulez dire que vous adoptez définitivement le modèle de la franchise ?
Oui et nous allons même le développer avec les enseignes Bricorama, Bricomarché et Bricocash
Cela serait quand même dommage de ne pas développer cet aspect-là du commerce. Après tout, c'est du commerce associé aussi. Pas associé au sens « décider ensemble », mais « acheter ensemble » . Et d’ailleurs, sous l'impulsion du bricolage, l’ensemble des Mousquetaires proposera un modèle de franchise et disposera de deux modèles côte à côte, complémentaires. L’alimentaire aussi y est favorable et avec le dossier Casino cela prend tout son sens.
Nous avons nommé un directeur de la franchise ! Il s'agit de Jean-François Martinez
Est-ce à dire vous allez créer une structure dédiée à la franchise bricolage ?
Oui, c’est fait, la structure est prête. Elle était existante pour les 34 Bricorama , mais maintenant, elle est prête pour le développement, y compris pour l'aspect contractuel. Avec à sa tête un directeur de la franchise, Jean-François Martinez, un ancien de la Foire fouille.
Mais culturellement le modèle d’adhésion est sacro saint chez Intermarché , avec le tiers-temps etc. Vous touchez au cœur de votre âme et c’était pour ça que la franchise n’avait pas voix au chapitre
Oui, c'est complètement ça. Mais en fait, la franchise est venue à nous puisqu’elle était dans la corbeille de la mariée Bricorama. ET là quand j’échangeais avec les franchisés, cela peut paraitre étonnant mais je me disais : « en fait, ils sont... comme nous, des chefs d'entreprise. Ces collègues font la même chose que nous, et deviendront peut-être adhérents un jour, » . C'est vrai qu'ils n’ont pas envie de s'impliquer le mardi-mercredi à la centrale, mais pour le reste … Ils sont aussi réactifs que nous, le covid l’a montré. Mais notre modèle nous empêchait de recruter des franchisés sur le marché pour des raisons juridiques. Là on s'est dit : c'est quand même pas logique notre truc. Donc aujourd'hui, on a ouvert nos chakras aussi. On a accepté d'être modestes intellectuellement, de comprendre que tout le monde n'a pas envie, obligatoirement, de faire comme Annie et Laurent Pussat, qui, à 36 ans, ont tout vendu, sont partis de zéro. Pourquoi se priver de faire du business avec ces M. Bricolage, Weldom, ou autre BricoPro et de les accueillir chez nous comme franchisés ?
Est-ce que vous voulez dire que vous avez perdu des affaires dans le passé en refusant des franchisés
Oui, bien sûr, si vous regardez l'histoire des Mousquetaires, on a racheté une quinzaine de magasins sur les 10 dernières années, notamment des Mr Bricolage qu’on aurait pu faire venir tout simplement en franchise. Maintenant on est prêts.
En termes de performances de ventes chez Bricorama, existe-t-il une différence, entre les adhérents et les franchisés ?
Non, pas en chiffre d'affaires, par contre en bas de page aujourd'hui, le résultat d'un adhérent est supérieur à celui d'un franchisé. Mais c'est normal, parce que la redevance de la franchise qu'on se propose de mettre en place est de 3% du chiffre d'affaires HT contre seulement 0,8 % pour un adhérent… Mais un adhérent passe deux jours de son temps, voire plus, pour faire fonctionner le groupe ce qui justifie l’écart de 2,2 %
Existe-t-il d'autres différences ?
Le droit d'entrée c'est 10 000 euros pour un franchisé, zéro quand vous êtes adhérent. Tout le reste est identique, communication, logistique…). Reste que les franchisés sont des clients, donc moins soumis à des contraintes notamment sur les promos où ils ont plus de libertés. Mais autrement, pour le client il n’y aura aucune différence Un peu plus de liberté pour le franchisé.
N’y a t-il pas un risque de basculement des adhérents vers le modèle franchise ?
Non, parce que contractuellement, ce n'est pas possible. Pourquoi ? Quand vous rentrez adhérent, vous restez adhérent. En revanche vous pouvez passer de franchisé à adhérent à l’instar de ce que disait Thierry Cotillard pour l’alimentaire : la franchise peut être une antichambre de l’adhésion. Je connais un franchisé, dont les enfants, eux, seraient plutôt motivés à être adhérents que franchisés. Eux, ce qui les intéresse, c'est d'être acteurs.
Est-ce que gérer deux modèles n’est pas un peu compliqué ? On se souvient que Mr Bricolage a évacué le modèle succursale, qu’ Adeo a mis beaucoup de temps à apprivoiser le modèle Weldom
Oui mais, qu'est-ce qui est le plus cohérent ? Un modèle avec intégrés et franchise à côté, ou un modèle d'indépendant adhérent avec un autre modèle d'indépendant franchise à côté ?
Il y a un certain nombre d'adhérents dans certains groupes qui se rendent compte que l'avenir n’est plus là. (...) on a déjà identifié plus de cibles que notre besoin…
Quel argument pourrait séduire les éventuels futurs franchisés qui lisent cette interview ?
Nous avons quand même beaucoup de choses à offrir : des enseignes à forte notoriété, , un groupe en forte croissance, le numéro un des indépendants du marché du bricolage , des projets quasiment tous les ans. Tous les deux ans, on sort quelque chose et ça avance. Et je dirais qu’ à part le cas brico-privé, on a plutôt réussi ces dernières années tout ce qu'on a entrepris. La logistique est un argument majeur. Elle est la même que pour tout le monde, avec livraison toutes les semaines de plus de 50% de vos achats, et livraison à la petite semaine. Donc pour votre trésorerie, c'est capital. Enfin nous avons aujourd'hui un placement prix qui est reconnu par nos concurrents puisqu'on est au niveau des deux intégrés (Ndlr Kingfisher et Adeo)
Est ce que la franchise peut vous aider à conquérir des territoires ?
Oui bien sûr . Si, par exemple, il y a de la place dans certains arrondissements de Paris où un Bricorama franchisé peut y aller. Si demain, il y a une opportunité en Lozère, seul département où nous n’étions pas et où nous sommes depuis peu avec Tridôme, on ira parce qu'il ne sera pas en frontal avec un de nos magasins et il n'y aura pas de cannibalisation. Après, on peut très bien avoir un Mr Bricolage en frontal avec un Weldom, qui ne s'en sort pas et qui se dit, mon moyen de me défendre, c'est de faire un discount. Et là, nous pourrons lui proposer une franchise Brico cash.
On dirait que vous avez déjà des cibles…
Oui, on a déjà identifié plus de cibles que notre besoin… Il y a un certain nombre d'adhérents dans certains groupes qui se rendent compte que l'avenir n’est plus là. Il n'y a pas besoin d'être devin pour savoir qu' a un moment ou un autre, soit des groupes qui se rapprochent, soit ils vont disparaître. Et ça ne sera pas nous, normalement.
Donc la franchise, c'est une arme pour piquer les magasins des autres ?
C'est une arme de développement.
Est-ce que ce développement concerne aussi l’étranger ?
Le développement de franchise, n'est pour l’instant que pour la France. Des pays comme la Pologne, que je connais bien, ont encore un grand vivier de primo-accédant candidats à l’adhésion alors qu’en France le marché du bricolage est très établi . Aujourd'hui, même si nous connaîtrons des créations - une dizaine par an - il y aura quand même plus de basculements d'enseignes de l'une à l'autre, que de créations dans les années à venir.
Quel est votre objectif de franchisés et d’adhérents à 5 ou 10 ans
Demain, il n'y aura pas plus de franchisés que d'adhérents. Aujourd'hui, pour les 657 magasins, on a à peu près 500 adhérents. Demain, on aura peut-être une centaine de franchisés, 100, 150 à terme. Mais on aura peut-être, au lieu de 657, on aura peut-être 750 magasins d'adhérents. Nous allons y aller doucement, mais sûrement.
ITM : les résultats stable en 2023 et un début d'année 2024 positif
Comment s’est passé l’année 2023 en termes de CA ?
Notre croissance est à plus de 60% sur les cinq dernières années et aujourd'hui nous affichons 657 magasins en France. . En 2023 la croissance s’est arrêtée mais nos résultats sont “étals et pour être précis à - 0,10 % ce qui veut dire que nous avons encore pris des parts de marché si l’on en croit les chiffres de la FMB
Cette prise de part de marché, vous pensez l’avoir réalisé sur quels concurrents ?
Sans doute sur les grandes enseignes (Ndlr, type Leroy Merlin ou Castorama) mais pas à cause d’une sous-performance de leur part ou d’une réussite exceptionnelle d’ITM, non, mais en toute humilité à cause de la montée des taux d’intérêts qui pénalise les magasins qui vendent plutôt des projets de type cuisine à 8 ou 9000 €. Aujourd’hui le coût de l’argent conduit certains clients à repousser leur projet. Nous le constations aussi dans nos grands magasin Bricorama ou Tridôme.
Quels sont les autres arguments qui freinent le marché
La panne du marché de la construction bien sûr qui fait souffrir les négoces mais plus généralement toutes les enseignes de bricolage et cette fois, quelles que soit leur taille. Il n’y a pas meilleur client que celui qui vient de faire construire. Il a besoin de tout, d’une terrasse, d’ampoules, de clôtures de dressings, d’un salon de plein air… Pour toutes ces raisons depuis septembre 2023, notre profession est plutôt en difficulté et malgré tout nous sommes positifs depuis le début de l'année… Quelle est votre croissance depuis le début de l’année ? Je donnerai pas les chiffres mais on est en positif. C'est dû à deux choses : notre proximité - un magasin sur trois de bricolage en France, c'est ITM - et puis notre croissance externe avec le rachat de Tridôme, qui représente 0,6 point de part de marché.