Image
v2
Image
v2
Image
pavé tok

Spécial Table Ronde #3 : le Web, la nouvelle façon de vendre l’outillage

Pierre Dieuzeide
Image
Table ronde

Voici  le thème n° 2 de ce débat distributeurs-fournisseurs autour du thème le plus tendance : les ventes  de l'outillage en ligne. Et là surprise !  Nos invités avancent des chiffres sur la part de marché de ce circuit. Impressionnant !  (photos: Joachim Tournebize)

Partager sur

Hervé Hédouis : pour l'instant, la construction de notre CA est encore très axée sur nos 700 points de vente. J'ai vécu différentes fusions dans ma vie professionnelle précédente [N.D.L.R. : Darty et Fnac] et là encore, bien évidemment, il y a des synergies qui sont en train d'être mises en place. Mais je peux vous rassurer : nous vendons plus d'outillage ou de carrelage dans nos magasins que chez Bricoprive.com.

Z.H. : Hervé Duchêne, Leclerc est une entreprise colossale en France, mais pas de place de marché, pas de Web… c'est étonnant ?

Hervé Duchene : chez Leclerc, le Web, c'est le drive avant tout, et l'alimentaire. On travaille bien sûr sur les ventes sur Internet mais vu le marché, nous ne sommes pas pressés car cela nécessite beaucoup d'investissement si vous voulez représenter quelque chose. On ne devient pas Amazon du jour au lendemain, mais c'est en cours.

Z. H : Chez Brico Dépôt, dans le mix de votre CA, comment mariez-vous ventes en ligne et en magasin ?

Sylvia Lopez : Notre objectif au niveau des équipes produits est de développer le CA omnicanal, c'est-à-dire en magasin comme sur le Web. Dans un modèle low cost comme le nôtre, nous n'étions pas très en avance sur cette partie digitale, mais le Covid-19 a été un formidable accélérateur. Nous avons développé des parts de marché grâce au drive et aujourd'hui, le challenge sur lequel nous travaillons est de trouver un business model web compatible avec notre business model physique autour du low cost, parce que comme on l'a dit, le digital demande beaucoup d'investissement, et dans notre développement économique et financier, nous nous devons d'être low cost. On est tous d'accord sur le fait qu'il y a urgence, mais il ne faut pas faire n'importe quoi : on veut construire un modèle durable… et rentable ! Aujourd'hui, notre poids de CA (global) sur le Web est de 5 %, il est en croissance régulière et forte depuis deux ans.

Z. H. : Et chez Espace Emeraude, vous vendez sur le Web ?

Laurent Tricoire : Nous avons mis en place depuis quelques mois une équipe dédiée exclusivement au développement du Web. Nous souhaitons une expérience phygitale, mais nous sommes dans l'observation de ce qui se passe et prenons le temps de bien le faire, pour que cela soit profitable. Nous nous distinguons sur certains produits comme l'entretien du jardin. C'est là que sera notre force, pas forcément sur l'outillage.

Z. H. : Connaît-on la part du Web pour l'outillage ? Et la part de marché des ventes en ligne ?

Guillaume Mulleret : Nous n'avons pas une consolidation totale du online chez GfK sur le bricolage, il manque de grands acteurs – notamment ManoMano – pour que nous puissions donner une réponse. Maintenant, quand nous suivions cette catégorie, l'OEP était historiquement la famille la plus vendue en ligne dans nos enseignes partenaires. Ce n'était pas le cas de l'outillage à main. En gros, ce qui marchait bien sur le Web au début, c'était les produits peu pondéreux et qui avaient une valeur facile élevée. Dans le bricolage, c'est comme cela qu'on est rentré sur Internet. On estime que 20 % des ventes d'OEP se font sur Internet, sans doute moins sur des segments non motorisés.

 

« Si on compte la distribution sous-jacente, la part des ventes en ligne d’outillage est plutôt autour de 30 %. » Philippe Donnet

 

 

Philippe Donnet : Je confirme ces chiffres car au sein du Secimpac, le poids du Web officiellement chez les pure-players, c'est 15 %. Mais quand on voit toute la distribution sous-jacente, allant de la distribution directe aux marketplaces, pour moi, potentiellement, ça double en grand public. Nous parlions de Milwaukee tout à l’heure qui est vendu en ligne, mais ce n’est pas de notre fait. Ce sont des distributeurs professionnels comme les quincailleries Angle qui font de la vente directe sur le Web ou vont sur des places de marché comme ManoMano. Nous n’avons pas la maîtrise de leurs reventes. Par ailleurs, on n’en a pas le droit. Conclusion : on est plutôt autour de 30 % de ventes d’outils réalisées en ligne.

Z. H. : Chez Rondy, quels sont vos résultats sur le Web ?

Xavier Bailo : Nous sommes une société familiale qui travaille traditionnellement avec ses distributeurs. Il y a cinq ans, nous avons commencé à faire un peu de digital ; c'était un peu tabou chez nos clients, mais cela s'est complètement démocratisé. On veut tous y aller mais c'est un vrai métier qui nécessite une politique commerciale adaptée. On se rappelle tous Carrefour qui rachète Rue du Commerce et qui n’arrivera finalement pas à son objectif de devenir un leader du digital. Du coup, nous en faisons, certes, mais à travers certaines marketplaces de nos clients. Il y a un an, nous avons embauché des personnes dédiées à ce développement, il nous fallait des jeunes avec des compétences digitales. Une PME qui fait du négoce se doit aussi d'aller sur le digital.

Antoine Leclercq, fondateur de Caast.TV : Selon les secteurs de bricolage, on parle de part du Web à 3, 4, 5, 9 %... En fait, je pense que les chiffres des ventes en ligne annoncés sont beaucoup plus importants et qu'il faut dissocier la phase d'achat du produit qui peut se faire sur le Web et la phase de décision qu'on fait souvent sur le Web.

Z. H. : Leclerc, vous avez l'engagement du prix le plus bas. Comment ça se passe avec le Web ?

Hervé Duchêne : C'est pour cela que nous réfléchissons encore pour aller sur le Web. Si on arrive sur la Toile [N.D.L.R. : pour le bricolage], il faut que cette parole soit aussi respectée.

 « Nous avons tous besoin de vivre et les ventes en ligne nous permettent de faire remonter notre marque. » David Riquier

Z. H : Qu'en est il chez Noyon & Thiebault ?

David Riquier : Comme Rondy, nous avons mis les pieds dans le Web il y a sept ou huit ans. Nous avons commencé par les places de marché pour nous « former ». On a des produits à faible valeur ajoutée, mais les coûts de préparation de commande sont assez importants, on se retrouve donc avec des prix un peu au-dessus de ceux des produits vendus en magasin. Du coup, on n'a plus ce souci de se faire taper sur les doigts par les enseignes. Le CA est petit, même s'il n'est pas neutre (3 ou 4 % du total). On a tous besoin de vivre et cela nous permet de faire remonter notre marque. On y va intelligemment. Mes deux enfants reprennent la direction : pour eux, clairement, c'est un axe de développement. À mon avis, plus personne n'a le choix de dire « j'y vais ou j'y vais pas ». Cela permet d'apprendre aussi plein de choses qui servent également à la grande distribution. Par exemple, il était compliqué de faire des fiches produits… Le Web nous a fait beaucoup progresser en la matière ; maintenant, on peut dire que nous savons le faire !

Caast.TV, les nouveaux « camelots » en ligne

Il y a aussi de nouvelles façons de vendre ou d'animer sur le Web, comme le fait Caast.TV tv. Le principe est de créer un événement vidéo avec un démonstrateur, un influenceur qui va pendant près d’une heure tester un certain nombre de produits en direct tout en répondant aux questions du chat en ligne. Pendant cette période, les produits sont vendus en direct sur le site à des prix promus. Autre intérêt du système : la longue vidéo complète reste disponible sur le site et elle est saupoudrée en dizaines de petites capsules vidéo indexées au produit présenté. Ainsi, quelques semaines plus tard, un internaute intéressé par une perceuse à percussion 18V pourra retrouver l’extrait du live correspondant et les questions du chat.

 

 

Z. H. : Caast.TV, vous êtes les nouveaux « camelots » en ligne, avec des expériences variées pour Leroy Merlin, Bricomarché, Brico Dépôt…

Antoine Leclercq : Chez Caast, nous sommes spécialisés dans l'animation commerciale en digital. Ce type d'animation fait découvrir énormément de choses. Nous parlions de la défonceuse : j'ai découvert ce qu'était ce produit car l'un de nos créateurs a fait un live dessus sur le site de l'Entrepôt du Bricolage. Avant, l'acte d'animation et de découverte du produit se faisait en magasin avec des « camelots », maintenant il peut se faire sur le Web avec Caast.

Z. H. : Vous les faites uniquement sur les outils ?

Antoine Leclercq : Non, nous travaillons avec les principaux e-commerçants français et faisons des live régulièrement sur le site de Ccarrefour mais aussi sur Fnac Ddarty, Boulanger, Sephora... Nous avons fait l'un des tout premiers live de Caast sur le site de Leroy Merlin en 2020 avec une marque de TTI (AEG), nous en avons fait pour Bricomarché et dernièrement pour Brico Dépot sur la salle de bains.

« Nous avions fait nous aussi un livecast sur le site de Leroy Merlin et les ventes étaient au rendez-vous. » Caroline Bonhomme

Photo JT_03211

 

Caroline Bonhomme : Nous avions fait nous aussi un livecast sur le site de Leroy Merlin sur notre absorbeur d'humidité Rubson, à l'occasion de la fête des projets, l'une des plus grosses opérations de l'enseigne, et les ventes étaient au rendez-vous… même s'il est difficile d'isoler la part exacte du live dans la réussite de la promo.

Antoine Leclercq : Quand la présentation est bien faite, elle motive le consommateur à acheter, à condition que les consommateurs la voient. D'où l'intérêt pour les marques de le faire sur les sites des distributeurs… Pour driver plus de monde, il y a des stratégies avec des créateurs de contenus, des influenceurs qui vont communiquer en amont pour générer de l'audience au moment du live. Chez pas mal d'enseignes, on fait aussi des live multimarques : c'est encore plus puissant car l'idée est de faire des live qui vont faire sens par rapport au client : « comment je repeins ma salle de bains ? » Nous allons le lui expliquer et lui présenter différents produits. Les gens peuvent poser leurs questions en direct, c'est totalement interactif, ils peuvent cliquer sur le produit, regarder une mini-fiche produit, ajouter le produit au panier, ils prennent ce qui les intéresse.

 

Hervé Hedouis (ci-dessus) : Concernant le taux de conversion, il est certainement un peu plus faible au moment de la visualisation. Le taux de transformation sur l'instant est inférieur au taux de clic d'un client qui cherche un produit sur notre site internet, mais il est loin d'être nul ! Et, deuxième point, le plus important, on ne l'a pas mesuré six mois après, car à mon avis ces live profitent au produit, au secteur, à la notoriété de l'enseigne. Mon rôle est de fidéliser mon client, notamment par nos vendeurs qui expliquent le fonctionnement d’un outil en magasin. Mais là on va aller plus loin car le client va pouvoir assister en toute sécurité à la démo du produit à 2h00 du matin s'il le veut. Il va regarder la perceuse tourner, va peut-être l'acheter sur le Web ou en magasin. Moi, je suis fan du système !

Z. H. : Le but peut-il être aussi de faire venir les clients en magasin ?

Antoine Leclercq : Oui, il y a vraiment deux aspects : l'effet live, on vit une expérience. Après, il y a le « drive to store », la personne qui a vu le produit et qui vient l'acheter en magasin. Sur AEG, ce qui était intéressant, c'est qu'on a vu une vraie hausse des ventes en magasin suite au live. Ils ont vu la nouveauté et sont venus en magasin pour l'essayer. Même à long terme, le replay était regardé et continuait à driver des ventes.

Z. H. : Qui paie pour cela ?

Antoine Leclercq : Soit les enseignes, soit les fabricants. Et côté prix, c'est très variable, certains live ont coûté 3000 €, d'autres 20 000 à 30 000 €, d'autres encore 200 000 € si on intègre la partie média et les cachets des influenceurs. Mais en budget médian, on oscille entre 8 000 à 15 000 €.

 

 

Z. H. : George Yates (ci-dessus), sur Back Market avez-vous utilisé des live pour vendre des outils ou autres ?

George Yates : Chez Back Market on prône une consommation raisonnable. Notre priorité est de reconditionner plutôt que d’acheter du neuf. C’est notre mission, notre vision et le message que l’on véhicule au marché au sens large. Nous prônons d’éviter la surconsommation, cela fait partie de nos principes. Et c’est là que je m’interroge sur le live de type Caast.TV qui pourrait être un véhicule de consommation impulsive avec un potentiel de surconsommation, un comportement d’achat que nous ne voulons pas stimuler. Mais il faut en parler. Ce qui importe, c’est l’esprit de la vente. C’est pour cela qu’après cette table ronde, franchement… je voudrais prolonger la conversation avec l’équipe de Caast.TV.

 

 « En Chine, certains live , c’est vrai, génèrent des frénésies d'achat, et ce n'est pas notre direction. » Antoine Leclerq

Zepros Habitat : Il peut exister des live vertueux… Par exemple Henkel qui pousse à réparer avec ses colles…

Caroline Prudhomme : Oui, mais même avec notre absorbeur d’humidité, nous ne prônons pas la surconsommation, au contraire, car finalement traiter l'humidité chez soi, c'est préventif par rapport à une remise en peinture. C'était donc plutôt dans l'air du temps et on le refera volontiers.

Antoine Leclercq : Sur ce sujet de la surconsommation, en Chine, certains live, c’est vrai, génèrent des frénésies d'achat, et ce n'est pas notre direction. Nous avons fait beaucoup de live conseils, notamment un live à Noël avec Le Parisien et l’association Le KabaCabas, pour des jouets éco-responsables… Donc tout dépend de la thématique du live et de la façon dont il est orchestré. Nous poussons de plus en plus nos clients à dire qu'ils ne font pas du « live shopping » mais du « live conseils ».

Pierre Dieuzeide
Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire