Guillaume Darrasse, DG In Vivo Retail "La crise passe la paille de fer sur nos organisations"
Toute la famille du brico jardin se retrouve dans le prochain numéro de Zepros Habitat avec les confidences inédites des patrons d'enseigne. Voici en avant première les principaux extraits d'une passionnante rencontre avec Guillaume Darrasse, DG d'In Vivo Retail... autrement dit le patron de Jardiland, Gamm Vert et Delbard.
Mari et père d'anesthésistes réanimatrices, dirigeant de grande entreprise, on sent qu'il a vécu ces deux mois avec une double intensité, non sans émotion, même s'il n'est pas du genre à s'épancher. Chez lui, l'humour jette un voile pudique sur tout le reste. En tout cas, il a déjà tiré de nombreuses leçons de ces deux mois « Cette crise a passé la paille de fer » et mis à jour les défauts et qualité de l'organisation du groupe explique-t-il avant d'esquisser pour nous les décisions futures dont les mots-clés seront : «Puissance des outils, agilité et jeu de jambes en magasin ».
On revient à une situation normale... qu'est-ce que cette crise Covid vous a appris ... d'abord à titre personnel ?
J'ai vécu pleinement la mission d'un dirigeant à savoir essayer de ne pas se tromper car là, les conséquences sont très directes. Il fallait en permanence réussir à conjuguer des décisions qui pouvaient sembler par moment s'opposer : la protection des collaborateurs, notre premier sujet, ce qui a impliqué des choix forts sur le mode d'exploitation, tout en assurant notre seconde mission : la pérennité de nos entreprises. Trouver ce bon équilibre dans un contexte très, très changeant, nous a obligé à bien peser nos annonces au risque d'être contredit 24 H plus tard
Est-ce qu'il est pertinent de comparer cela à un management d'une division militaire sur un théatre de guerre?
Oui et non . Je dirai que la comparaison militaire fonctionne sur le fait qu'une armée est efficace quand chacun sait ce qu'il a à faire. En même temps, dans notre cas, il faut aussi beaucoup d'initiative sur le terrain. L'une des grandes satisfactions de cette période est d'ailleurs venu de là, de la valeur des initiatives prises en magasin.
Pouvez-vous nous donner quelques exemples marquants ?
Je pense à notre guide interne des bonnes pratiques pour faire fonctionner les magasins. Nombre de ses bonnes idées sont venues des collaborateurs « magasin ». Par exemple : gérer le nombre de clients en les obligeant à entrer avec un chariot. Du coup, il suffit de limiter les caddies pour maîtriser le flux. C'est mécanique.. Du super bon sens ! Pour peu que ça donne envie au client d' acheter plus (rires) Non je plaisante mais en tout cas cette idée est très bonne
Et d'un point de vue de la solidarité avec les soignants ?
Une de nos magasins a eu l'idée de fournir de la toile d'hivernage à son hôpital voisin pour faire des surblouses. J'ai souri mais je me suis abstenu de faire des commentaires à ma femme et ma fille qui sont médecins hospitaliers (rires). Plus sérieusement, tout cela... ce ne sont pas des directives mais bien des initiatives. Bien sûr nous avons su réagir et dire aux autres magasins : « regardez ce que vous pouvez faire. »
Troisième initiative qui m'a marqué : celle venue d'Espagne où des collaborateurs ont commencé à se filmer en imaginant des exercices physiques avec du matériel de jardinage. C'est devenu JardiDéfi On a retrouvé de l'humanité dans cette période . Je vais pas faire dans le …
(ndlr, Le mélo?)
… Voilà vous voyez à peu près comment je suis (rires) mais oui on a retrouvé de l'humanité
Vous avez cité votre fille et votre épouse, toutes deux médecins... Ont-elles été confrontées au Covid-19
Ah oui elles montaient au charbon car elles sont toutes deux anesthésistes réanimatrices en région parisienne. Elles me disaient d'ailleurs « sors pas trop car le Covid c'est pas bon pour ceux qui ont une surcharge pondérale ( rire) » Mais c'est vrai que j'ai vécu intensément la période et doublement.
Comment jugez-vous le traitement réservé aux jardineries pendant cette période ?
Nous avons vécu un petit sentiment d'injustice. Cette crise est tombée dans la période la plus importante pour nous. C'est la loi de Murphy. Nous n'avons pas compris cette limitation d'ouverture à la seule alimentation animale alors que l'autoproduction, le potager est un élément-clé dans le budget des ménages, dans le côté sain de l'alimentation. Nous avons tout fait pour que la France prenne une position comme celle de l'Allemagne .
Vous avez vu que Kingfisher France a obtenu un PGE de 600 M€... pour aider sa tréso. Quid d'In Vivo ?
Nous n'avons pas eu à ce stade recours à un prêt d'Etat. In Vivo a la chance d'avoir renforcé ces dernières années sa solidité financière avec une capacité à absorber cette crise. On peut encaisser un choc comme celui-là mais il ne faudra pas qu'on en prenne tellement d'autres.
Après, la capacité de nos partenaires (ndlr. franchisés, fournisseurs, prestataires, etc), peut être plus variable. C'est la raison pour laquelle nous nous sommes beaucoup investis dans les réouvertures des jardineries. Il le fallait pour garantir leur pérennité et celle de la filière horticole français .
Revenons aux leçons tirées par cette crise... Quelles sont-elles d'un point de vue de l'organisation d'In Vivo retail ?
Cette crise passe la paille de fer sur les forces et faiblesses de nos modèles économiques.Nous travaillons actuellemen sur cette analyse. Mais d'ores et déjà la tension en termes de cash nous renvoie à nos modèles très consommateurs de stocks et d'immobilisation financière . Idem pour la saisonnalité et notre recherche de modèles plus douze mois sur douze …
Tout ça vous le saviez déjà
Oui on le savait mais ce que nous avons vécu nous a mis dans l'obligation d'accélerer. Idem pour la transformation digitale, l'omnicanalité. Pendant 15 jours/3 semaines nous n'avons fonctionné qu'en drive ! C'est là que nous nous sommes rendus comptes que nous ne sommes pas complétement prêts. Nous devons encore moderniser les systèmes d'information pour automatiser au maximum les taches qui n'ont pas de valeur ajoutée. Ca fait réflechir aussi au modèle général d'organisation d'entreprise...
Que voulez-vous dire par modèle général d'organisation de l'entreprise ?
Que cela consacre bien une idée qui m'est assez chère qui est qu'il faut unifier au maximum les outils tout en déconcentrant l'usage. Voilà ! Et qu'on donne les moyens à chaque magasin de s'exprimer dans un cadre bien défini pour qu'il puisse construire son propre commerce.. Il y a ce double mouvement qui consiste à dire : « il faut que j'aligne toute mon entreprise sur la bonne compréhension de la stratégie, que j'ai des moyens qui soient puissants et bien unifiés et que je laisse du jeu de jambes au magasin ». Tout ça on l'a en tête mais là, nous l'avons vécu réellement et pleinement
Concrêtement ces outils qui laissent du jeu de jambes, quels sont-ils ?
(....) la suite de l'interview à retrouver dans Zepros Habitat n°5 à paraitre début juillet
Cette crise est arrivée en pleine réorganisation de Jardiland et Gamm Vert... Est ce que cette crise a compliqué ou pas votre réorganisation ?
(....) la suite de l'interview à retrouver dans Zepros Habitat n°5 à paraitre début juillet
Nous avons commencé cette interview par ce que la crise vous a apporté... Mais qu'est ce que vous ne ferez plus comme avant ?
(....) la suite de l'intreview à retrouver dans Zepros Habitat n°5