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Brico : l'offensive des Mousquetaires.... révélée par son président, Laurent Pussat

Pierre Dieuzeide
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L’avenir des Mousquetaires du Bricolage est révélé ici ! Le projet NEC (Nouvelle expérience Client) et ses petits secrets. Rencontre forte avec Laurent Pussat, le nouveau Président de l’ITM Equipement de la Maison. Forte, car il ne se défile devant aucun sujet : nouveaux concepts et vocation de chaque enseigne, formats city, marketplace, BricoPrivé et parts de marchés ! Bienvenue dans le nouveau monde des Mousquetaires du bricolage.

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ZEPROS HABITAT : Vous venez de remplacer Thierry Coulomb comme Président du Conseil d’Administration des Mousquetaires Equipement de la Maison, une entreprise de 4,2 Md€ de CA et 15000 salariés…, Est-ce que vous avez eu le trac ?

Laurent Pussat : Comme ancien alpiniste, je vous répondrais : si vous n’avez pas d’appréhension ce n’est pas normal. … vous êtes mort. Bien sûr que l’on transpire plus quand on a une responsabilité plus élevée, surtout avec en jeu l’argent des autres ou des emplois. Comme je dis toujours à mes collaborateurs : plus le poste est élevé, plus l’erreur coûte cher, ce qui peut renforcer l’appréhension !
Donc, le trac oui, mais on est vite rassuré car il n’y a pas de « je » à ce poste et bien évidemment les décisions sont collégiales avec le Conseil d’administration. Un conseil avec 3 femmes et 3 hommes.

ZH : Cette parité est-elle nouvelle ?

LP : Oui, c’est une première et j’en suis ravi car la plupart de nos entreprises sont gérées en couple … et c’était incompréhensible que cela ne se voit pas au Conseilcar c’est le reflet de la réalité. Tenez, avec mon épouse nous gérons deux Bricomarché. On aime bosser ensemble. Annie est très terrain, gestion, même en tiers temps, très produit aussi… moi je suis plus projet et nous sommes complémentaires.

ZH : Vous avez été chargé de la direction opérationnelle de l’Equipement de la maison et notamment de la convergence de Bricorama vers les autres enseignes. A force de faire converger Brico Privé, Bricorama / Bricomarché / Brico Cash … vous allez finir par vous appeler…

LP : Brico tout court… c’est ça ? Sans rien ajouter derrière ?

ZH : Oui, mais il faudrait racheter l’enseigne belge Brico

LP : On y a réfléchi. (rires) Non… mais plus sérieusement, converger vers un seul nom n’est pas à l’ordre du jour, la feuille de route est assez simple : Equipement de la maison est le n°3 du Marché du Bricolage, et le numéro 1 des indépendants, donc ma première mission est d’accentuer cette part de marché. Aujourd’hui, nous sommes à 15%, en 2024 on veut atteindre 17% et, à terme, 20%. Pour y parvenir nous mettons en place un nouveau concept qui s’appelle NEC, Nouvelle Expérience Client, un concept omnicanal qui doit nous permettre de recentrer notre vision sur le projet et le service.

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ZH : Concrètement, comment cette NEC va-t-elle se traduire ?

LP : Par un nouveau concept global, omnicanal, sans couture . Vous savez, Il y a le client qui veut tout faire : dessiner son plan, réaliser ses étagères, repeindre les murs et puis vous pouvez être le bricoleur, qui a besoin de se faire accompagner, auquel on livre et installe son placard, et puis, pourquoi pas, un jour le faire remplir ! Je plaisante … Mais NEC c’est d’aller vers tout ça.

ZH : Est-ce que le nouveau concept de Bricorama d’Orgeval fait partie de la NEC ?

LP : Oui c’est un prototype du NEC, avec tous les petits défauts que peut avoir un prototype. On sait d’ores et déjà, même avant de démarrer, qu’il y a 2 ou 3 choses qu’il faudra surement réajuster. Mais dès la fin de l’année, nous démarrons 4 pilotes plus aboutis que le prototype. (lire notre reportage sur le Bricorma Orgeval)

ZH : Est-ce que ces pilotes seront cantonnés aux seuls Bricorama ?

LP : Non, bien sûr nous attaquons aussi un concept NEC pour le « cœur de parc », à savoir Bricomarché. En fait, NEC se positionne sur 3 niveaux : le « Cœur de ville » que je mets de côté pour l’instant car il fait toujours l’objet d’une réflexion , le « Cœur de Parc » porté par l’enseigne Bricomarché et les « Grands Formats » portés par l’enseigne Bricorama.

ZH : Donc l’idée d’une convergence des enseignes vers une seule n’est plus du tout un sujet …

LP : Non, car aujourd’hui il faut un commerce de précision. Une enseigne ne porte pas la même identité… et à tout vouloir massifier, on finit par moyenniser et ne rien faire de bien. Cette décision est récente chez nous, une petite révolution. Nous allons faire un peu comme dans l’automobile : la même plateforme de véhicules mais des carrosseries différentes

ZH : Demain quand on verra la carrosserie Bricorama , on l’identifiera comme quoi, on se dira quoi …?

LP : L’enseigne du bricoleur de loisirs. Le bricoleur « à projets » car pour exposer une salle de bains, une cuisine, il vous faut de la surface.

ZH : Et dans ce cas, quelle serait l’identité de Bricomarché ?

LP : Aménagement et entretien. Les deux recevront les deux cibles bien sûr. Il y aura aussi des bricoleurs de loisirs chez Bricomarché mais s’ils sont très performants en termes de CA/ m2 ils restent limités en place. Par exemple ici à Gien, mes mises en scène doivent s’adapter à mes 2 300 m2 de surface de vente.

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ZH : Quid des Cœur de Ville ? Ou en est votre réflexion ?

LP : Nous travaillons sur l’ évolution du style City qui sera dédié à l’entretien et dépannage … Doit-on créer un nom spécifique ? Pour l’instant, je n’ai pas de précisions à apporter sinon que nous ne devons pas tomber dans la problématique qu’a connu Leroy Merlin avec le Leroy Merlin Essentiel. Vous ne pouvez pas porter les mêmes discours et les mêmes problématiques selon les tailles des magasins.

ZH : Et Brico Cash ?

L.P : Brico Cash reste un de nos objectifs prioritaires: Là, on a 42 magasins, on sera à 43 à la fin du mois d’avril, à 50 à la fin de l’année et à 100 en 2025. C’est un des points essentiels de ma feuille de route.

ZH : Je reviens au concept NEC, que propose le prototype d’Orgeval ?

LP : Un nouveau logo d’abord, mais au-delà plus de services, plus de projets et tous les outils qui permettent, à n’importe quel moment, au client de se projeter depuis son canapé dans le magasin, y aller, repartir, se dire : « tiens j’avais ce projet-là, regardez il est sur mon téléphone ». Nos vendeurs sont d’ailleurs équipés de mobiles et pourront « tchatter » avec le client, poursuivre la relation avec lui. C’est aussi par exemple la possibilité de payer dans le rayon plutôt que de repasser aux caisses puis aller chercher directement le produit à la zone d’enlèvement derrière… Voila, ce sont toutes ces petites choses pêle-mêle sur lesquelles nous sommes entrain de travailler.

ZH : Quel impact le concept NEC aura –il sur les salariés ?

LP : C’est une dimension essentielle car nos collaborateurs vont vendre plus de services. Depuis quelques années, nous faisons des efforts beaucoup plus importants pour les formations notamment. Et je pense que cela s’en ressent dans nos chiffres Mais là, il y a encore un cap à franchir. Nous devons les faire monter en compétences pour savoir utiliser des logiciels de conception par exemple. Le capital humain est au cœur de notre nouveau concept et d’ailleurs vous noterez qu’on ne parle plus de rayon plomberie dans notre nouveau concept mais de Plombier. Vous entrez chez Le Plombier, Le jardinier, Le Quincailler etc.

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ZH : Vous avez parlé d’ omnicanalité, de "sans couture".. ; quid du web dans ce nouveau concept ?

LP : Nous venons de lancer il y a 15 jours, notre place de marché sur le site de Bricomarché. On n’a pas fait d’annonce particulière pour la bonne et simple raison que nous sommes des gens prudents et qu’on a lancé notre place de marché avec 5000 références supplémentaires pour l’instant. Donc c’est un début.

ZH : Votre place de marché est-elle celle de Brico Privé ?

LP : Non c’est la nôtre et elle n’est que sur Bricomarché pour l’instant, après il y en aura une sur Bricorama et surement une autre pour Brico Cash.

ZH : Sur quel type de produits ?

Nous avons démarré sur des produits simples comme les abris de jardin. Là on est dans la phase de montée en puissance.

ZH : Cette montée en puissance peut aller jusqu’à combien de références ?

LP : J’ai eu la même question en interne et clairement je ne sais pas, cela va dépendre des besoins des clients. L’objectif n’est pas de faire du quantitatif mais de faire du qualitatif. S’il faut 100 000 on en mettra 100 000 et s’il faut en mettre 1 million on en mettra 1 million. Il faut toutefois que cela reste clair pour le client

ZH : Est-ce qu’ avec ces places de marché, la chasse au produit n’a pas un peu laissé la place à la chasse aux bons marchands ?

LP : Oui les bons, vous avez raison, on va vouloir se les arracher. Après, on joue sur la quotepart qu’ils doivent payer pour les attirer.

ZH : A quoi sert d’avoir acheté Brico Privé si, au final, vous développez des market place à part ?

LP : Grâce à Brico Privé, nous avons multiplié la part de marché d’Equipement de la Maison dans les ventes de brico en ligne par 6,5 pour atteindre 7 % en 2020. Or notre feuille de route pour les années à venir est d’avoir la même part de marché générale que celle des ventes en ligne. Je m’explique : si demain, comme nous le souhaitons, nous atteignons 20 % de part de marché des ventes de bricolage en France , notre part de marché des ventes en ligne devra être aussi de 20 %. Nous y parviendrons par nos sites, nos marketplaces et bien sûr l’acquisition de Brico Privé nous donne les moyens d’accélérer.

Maintenant nous allons soutenir le développement de Brico Privé. Par exemple, pour le développement d’une gamme permanente. On va massifier les achats ce qui va les aider, même s’ils sont déjà bons. Je rappelle que nous pesons quand même 4 Milliards 200 Millions d’euros de ventes dans le monde. Et nous, c’est du CA et non du « volume d’affaire ». (sourire)

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ZH : Donc Brico Privé vous aide à peser sur le e-commerce mais quels sont leurs autres apports ?

LP : Brico Privé a un savoir-faire de référencement pour qu’un produit se vende bien en ligne. Ils savent réaliser des fiches produits e-commerce correctement. Cela paraît être un détail mais c’est un métier et eux ont ce savoir-faire qui est utile pour nos propres sites.

ZH : Pourrait-on imaginer Brico Privé, écouler des stocks de magasins Bricomarché ?

L.P : Pas pour les magasins mais plutôt pour des gammes en Centrale sur des volumes importants. Par ailleurs, on pourrait aussi enrichir l’offre de Brico Privé de produits Bâti à retirer dans les cours matériaux de nos 650 magasins et permettre aux clients du site de venir faire son engagement auprès du Drive du Bricomarché de Gien, par exemple (sourires).

ZH : c’est vrai que 650 magasins c’est un maillage…

LP : … qui représente 1 point de vente de bricolage sur 3 en France. Ce n’est pas pour rien, que nous avons si bien fonctionné pendant la crise. C’est un levier très fort pour ce que l’on appelle le dernier km ou se rapprocher le plus du client.

ZH : Question délicate de la chaîne de valeur : qui gagne de l’argent dans les ventes en ligne ?

LP : On est tous conscient que le chiffre va se faire à terme en partie sur le e-commerce et le digital mais nous sommes des indépendants et ce que l’on souhaite c’est que le chiffre et le résultat soit fait là, en magasin et pas à la centrale. Mais les algorithmes du site en tiennent compte.

ZH : Si j’achète un produit et que je me fais livrer en direct est-ce que le Bricomarché du coin touche une rémunération ?

LP : Non mais là, l’astuce est de vous faire payer les frais de port contre une livraison gratuite en magasin ce qui vous pousse vers le magasin.

ZH : L’un de vos prédécesseurs à ce poste, Frédéric Sambourg rêvait de jardineries installées près d’un Brico Cash. Avez-vous un projet d’enseigne de jardinerie ?

L.P : On n’a pas de concept Jardinerie et on n’en aura pas. Je comprends la problématique. Si demain je décidais de transformer mon Bricomarché de Gien, qui vend du jardin, en Brico Cash, pourquoi devrais-je abandonner ce CA jardin. Voilà la question en fait d’où l’idée de créer un concept jardin … Mais aujourd’hui l’Equipement de la Maison n’envisage pas de porter un concept de plus… En revanche, rien n’empêche un adhérent d’ouvrir une jardinerie sous une autre enseigne. Certains ont bien des parts de magasins Fnac.

ZH : Nous avons récemment consacré un numéro à la RSE . Les fondations naissent ici ou là … Quels sont vos projets en la matière ?

LP : Chez nous, la RSE n’arrive pas, elle existe déjà. Mais éclatée en autant de magasins. Rien de vraiment formalisé. Dans nos magasins, depuis des années, on recycle nos plastiques, nos cartons, on fait des dons aux associations. Tous nos anciens produits ou nos anciennes gammes, partent chez Emmaüs. Ici par exemple les croquettes en limite de consommation nous les donnons à la SPA. Tout ça aujourd’hui nous le faisons mais nous devons mieux le mettre en musique et le valoriser auprès de nos clients. On l’intègre même dans la NEC.

Tenez par exemple à Orgeval, on a un projet avec l’Association ENVIE, Association qui travaille sur la seconde vie des produits en permettant d’employer des personnes un peu en marge de l’emploi. Les clients apportent des outils qui ne fonctionnent plus ou pas bien. L’association les remet en route et nous les vendons sous forme de produits d’occasion dans nos magasins. Aucun adhérent ne craint de perdre la vente d’une perceuse . Ils savent que cette vente pleine de sens servira un client qui s’en servira 2H . Il y a aujourd’hui une grande maturité de la société et de nos adhérents sur ces sujets.

ZH : Est-ce que vous prévoyez d’articuler tout cela autour d’une fondation ?

L.P : Je ne sais pas pour l’instant. Ce qui ressort de l’état des lieux sur ce thème est comme je vous l’ai dit que l’ on fait beaucoup en termes de RSE. Comme souvent, et pas que chez nous, on ne dit pas mais on le fait tellement naturellement

Propos recueillis par Pierre Dieuzeide

Identité Express : Laurent Pussat , 50 ans.

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Laurent Pussat rencontre Annie sa future épouse, nantaise comme lui, sur les bancs d' une école d’emballage vendéenne. Chacun fait sa carrière : Annie dans la banque, Laurent dans les cartons. A 36 ans, ils démissionnent pour reprendre ensemble un Bricomarché et s’investissent illico dans le tiers temps. Aujourd’hui, ils possèdent un magasin Bricomarché de 2300 m2 à Gien (45) et un autre de 2800 m2 à Saint Père sur Loire (45). De façon générale le couple est très investi dans la vie locale, Laurent Pussat préside par exemple le Mepag (mouvement des entreprises Mouvement des Entreprises du Pays Giennois). Un investissement qui va jusqu'à fermer les rayons non essentiels même si certains pourraient l'être pour "ne pas froisser mes amis commercants qui sont aussi nos clients" Un tour de magasin donne l'esprit maison : beaucoup d'humour entre le patron et les collaborateurs, de l'humour aussi dans les mises en scène (ci-dessous). La porte d'accès à la réserve est décorée façon dressing de luxe et le responsable du point motoculture a mis une photo de son visage sur le mannequin des EPI. On sent que l'esprit est " travailler sérieusement sans se prendre au sérieux".

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Pierre Dieuzeide
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